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Dr Vincent Della Santa , médecin-chef du département des urgences 

COVID 19 au RHNe

Comme médecin urgentiste et instructeur en médecine de catastrophe dans un pays jusqu’alors très largement préservé des incidents majeurs j’avais une vision théorique et largement fantasmée de la gestion de crise en cas de pandémie, nos stratégies de montée en puissance étant toutes axées sur des événements de durée limitée à quelques heures voire quelques jours. J’étais inquiet de la capacité de réponse de nos structures hospitalières pour qui la gestion de crise à une aussi large échelle est un sujet exotique. Au RHNe tout le monde a répondu présent, en un temps record et dans une belle solidarité.

Un fonctionnement alternatif du RHNe s’est mis en place sous la houlette de nos directions médicales, soignantes et administratives et l’engagement de chacune et chacun nous a permis de faire face au pic de patients avec même une marge de manœuvre restante au niveau des soins intensifs. A noter le travail indispensable du secteur logistique qui a permis aux soignants, malgré une période de rationnement relatif de matériel de protection, de faire leur métier dans de bonnes conditions de sécurité.

Aux urgences

Le plus gros travail aux urgences s’est concentré sur le mois de mars, les mois d’avril et mai étant plutôt calmes, les patients « habituels » étant moins nombreux et les patients COVID-suspects se présentant non pas en grappe, comme cela a pu se passer en Italie et dans certaines régions françaises, mais plutôt au compte-goutte.

Mise en place d’une filière ambulatoire (pandicentres hospitaliers)

Sur les trois premières semaines du mois de mars nous avons pu mettre en place des secteurs de triage aux portes ou à l’intérieur des bâtiments hospitaliers. Ces secteurs hors des urgences, mises en place dès le 2 mars à Pourtalès (COP) et dès le 7 mars à la Chaux-de-Fonds (6e étage) nous ont permis, avec l’aide des pédiatres (hospitaliers et privés) et de nos collègues de la SNM, d’éviter l’afflux de patients paucisymptomatiques dans nos structures d’urgences qui à ce moment-là étaient encore fortement sollicitées par le « tout-venant ». Nous avons pu y voir, de début mars à début mai en moyenne 32 patients par jour avec des pics allant jusqu’à 120 patients par jour.

La pression s’est relâchée sur ces secteurs ouverts au départ sans dotation supplémentaires, le temps de recruter des étudiants en médecine en 5e et 6e année pour assurer leur exploitation, avec l’aide d’infirmier des urgences puis des policliniques dans un deuxième temps et de pouvoir pour le coup libérer nos collègues de ville. Une ligne supplémentaire de médecin cadre urgentiste avec un numéro dédié pour répondre à toutes les sollicitations concernant la pandémie est mise en place en parallèle.

Après des contacts avec nos collègues tessinois et français la décision est prise de déployer des tentes dans le parking de l’hôpital Pourtalès et à l’entrée de l’hôpital de la Chaux-de-Fonds afin de pouvoir réguler médicalement (urgentistes et pédiatres) les entrées ambulatoires dans nos structures en cas d’afflux. Ces tentes n’ont heureusement pas dû servir, le pic d’arrivée aux urgences se trouvant jugulé par les mesures prises en autre en amont par le service cantonal de santé publique (centres NOMAD).

Organisation de filières spécifiques dans nos services d’urgences

Des zones de cohortage ont été déployées dans les secteurs urgences afin de maintenir des zones « propres » et de dédier des zones « sales » dans nos services de PRT et CDF avec une planification de montée en puissance une adaptabilité requise afin de pouvoir prendre en charge des collectifs de patients mixtes, COVID ou non-COVID (cf image).

Des procédures de triage spécifiques ont été développées afin d’orienter au mieux les patients à leur arrivée vers la « bonne » zone de traitement. A Pourtalès nos infirmières de tri étaient soutenues pour ce faire par un cadre urgentiste délégué à cette tâche sur les pics d’activités des urgences (ie 11h-23h). A la Chaux-de-Fonds ce rôle était partagé entre les urgentistes de jour et les internistes du site le soir. Une cheffe de clinique supplémentaire est également engagée en renfort par la médecine interne de CDF uniquement pour gérer un des deux secteurs des urgences.

Sur la période qui court entre le 1er mars et le 15 mai l’activité aux urgences a subit une baisse de 22% en moyenne (« the COVID paradox »). A ce jour l’activité est largement remontée et nous n’avons pas eu l’effet rebond que nous craignions contrairement à nos collègues pédiatres hospitaliers qui subissent de plein fouet un surcroit de demande de diagnostic pour des enfants qui ne peuvent retourner à l’école sans PCR négative en cas d’IVRS.

Impact sur les équipes

Au niveau institutionnel des cellules RH par pôles d’activité (les urgentistes partageant le destin des pédiatres) se sont réunies afin de recruter des intérimaires au moins pour mars-avril-mai et jusqu’à fin juin pour nos médecins-assistants « renfort COVID ». L’armée nous prête main-forte avec la présence d’un militaire 24/24h pendant 2 mois. L’équipe médicale des cadres est « renforcée » par le fait que tous les cadres à temps partiel travailleront à 100% pendant 2 mois, par l’annulation de toute vacances en mars-avril et par le retour en urgence d’un de nos collègues qui passait une année aux USA. Les astreintes sur places et à la maison augmentent avec un déployement également des urgentistes cadres aux urgences de la CDF les WE et jours fériés durant cette période, afin de soulager l’équipe de médecine interne qui gère aux soins continus des patients plus lourds qu’à l’habitude.

Les urgences ont payé un certain tribut au virus en étant l’équipe la plus touchée par une contamination heureusement sans morbidité importante ou mortalité. En effet, entre nos secrétaires, ASSC, infirmiers et médecins nous avons compté 12% de personnel malade confirmé, avec un retour au travail sans dommage important pour toutes et tous.

 La surcharge que nos collègues urgentistes italiens et français ont connu a été évitée. Depuis la mi-avril la désescalade s’organise et depuis la mi-mai l’activité est revenue au même niveau avec des suspicions très sporadiques de COVID, rarement confirmées.

Le défi actuel est le maintien de salles d’examen désignées « COVID » et la détection de potentiels patients dans le flux habituel des urgences avec la possibilité de revenir à une organisation en filière dédiée dès que nécessaire en cas de deuxième vague. Nous y sommes prêts.