Dr CF. Robert, médecin cantonal |
Un tsunami ou les quatre premières vagues du COVID-19
Pour le service de la santé publique, l’affaire « COVID » commence le 23 janvier par une conférence téléphonique urgente de l’OFSP. Dès ce moment, nous sommes plongés dans la perspective d’une crise sanitaire majeure, alors que les activités quotidiennes de santé publique suivent leur cours. C’est le temps de la préparation et de la planification face à un risque théorique.
Le 30 janvier, à la demande du médecin cantonal, un groupe d’appui de l’Etat-major ORCCAN est constitué. Ce même jour, l’OMS déclare une alerte sanitaire de portée internationale. A ce moment, nous estimions que l’épidémie risquait de nous toucher en avril. Nous avions tort, la situation dans le Nord de l’Italie, puis les cas revenus de Mulhouse nous impactent déjà début mars.
Mais dès le 27 janvier, le service de la santé publique faisait face à une première vague de questions sur des situations personnelles (un collaborateur en Chine, une employée de crèche avec un contact avec une personne de retour d’Asie, etc). La deuxième vague fut celle des enquêtes d’entourage pour des cas suspects, tous négatifs. Ensuite, un enfant fut mis en quarantaine le 10 février pour avoir été en contact avec un camarade porteur du virus en Haute-Savoie. Il fallut expliquer à l’école, aux autres parents les risques effectifs en regard de leurs craintes.
La 3ème vague, celle des cas confirmés, débuta le 2 mars. Le 29 mars, nous dénombrions 328 cas.
La 4ème vague, celle des malades graves, des hospitalisations et de décès est en cours. Chacun espère que cette courbe ascendante n’entamera pas les réserves des soins intensifs.
Dans une crise sanitaire évoluant si rapidement, il est vital de toujours garder une longueur d’avance. La loi sur les épidémies nous donne un socle sur lequel, nous pouvons construire en coordination avec l’OFSP. En moins de deux mois, le système de santé cantonal a dû s’adapter à une pénurie de ressources (masques) et créer un nouveau dispositif. En effet, après l’abandon du traçage des contacts pour bloquer les chaînes de transmission, il a fallu mettre sur pied une nouvelle stratégie. Le tri infirmier, imaginé le 28 février, est entré en activité le 14 mars par la mise sur pied de 8 centres de tri. Dans chaque centre, une infirmière détermine si la personne est un cas probable, si elle présente des signes de gravité et finalement si elle est nécessite une hospitalisation. Les infirmières de NOMAD peuvent se référer par téléphone à des médecins retraités. A ce jour, 890 personnes ont été triées, 43 % sont des cas probables et 11 ont été orientées vers l’hôpital. Pour le moment, le seul frein est la disponibilité des tests de confirmation. Plus de 1335 tests ont été effectués dans le canton (13’000 en Suisse selon l’OFSP), dont 24 % sont positifs.
Avec l’appui de la SNM, des équipes médicales mobiles sont à pied d’œuvres pour intervenir au domicile et dans les EMS. Nous estimons qu’un risque élevé subsiste dans les institutions hébergeant des personnes vulnérables. La SNM est un partenaire de choix et joue un rôle important dans cette crise, identifiant des médecins volontaires pour RHNe, des médecins aptes à faire des surpervisions du tri ou à fournir des appuis spécialisés (infectiologie, psychiatrie avec le CNP, etc), nous soumettant des idées et des projets.
Entretemps, le tsunami du COVID a impacté toute la société, confinant chacun à domicile, freinant l’économie. La solidarité de la population envers les soignants s’exprime par des applaudissements à 21 heures. Comment préserver des valeurs comme l’égalité d’accès aux soins, la dignité des personnes ne pouvant bénéficier de toutes les ressources ? Notre professionnalisme dans ce marathon est essentiel pour rassurer ceux qui perdent confiance et pour assurer les fondements de la société.
Schéma : dispositif sanitaire cantonal COVID-19