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Dr Philippe Freiburghaus | responsable de l’équipe médicale SMR SR des OAI NE et JU

L'AI a bien plus à offrir qu'une rente

L’assurance-invalidité a pour but général de favoriser l’autonomie de celles et ceux qu’une atteinte durable à la santé entrave au quotidien dans leurs activités. Si cette notion est familière pour nombre de médecins, c’est loin d’être le cas pour la grande majorité de leur patientèle. D’où l’importance du rôle d’information et de conseil joué par le corps médical.

La palme à l’AI, vraiment ?

Les médecins en font déjà beaucoup pour l’AI, penserez-vous. Sous le titre Blouses blanches ou ronds de cuir, un confrère vaudois, évoquant « les dérives kafkaïennes » des exigences des assurances, écrivait il y a quelque temps dans le Courrier du médecin vaudois que la palme revenait certainement à l’AI dans ce domaine !

Des demandes en augmentation constante

Vous avez l’impression que le nombre de rapports à remplir pour l’AI croît régulièrement ? Vous n’avez pas tort. Difficile de le nier, même si c’est le résultat d’une augmentation constante du nombre de dépôts de demandes AI – une progression qui atteint près de 4% en moyenne annuelle depuis 2011 à Neuchâtel. Un phénomène qui masque malheureusement les efforts consentis par l’Office AI pour réduire la charge de l’instruction qui pèse sur le corps médical neuchâtelois : baisse du nombre de révisions de 7% par an durant la même période, envois plus ciblés et ponctuels des demandes de rapports, pour ne citer qu’eux.

Bien plus qu’une rente, assurément !

À celles et ceux qu’une atteinte durable à la santé entrave au quotidien dans leurs activités, l’AI a bien plus à offrir qu’une rente. Voici les prestations proposées par l’AI :

  • Mesures médicales réservées aux personnes assurées de moins de 20 ans (25 ans pour les jeunes au bénéfice de mesures d’ordre professionnel et de scolarisation spéciale) : l’AI peut accorder des mesures médicales qui ne visent pas à traiter l’atteinte à la santé en tant que telle, mais qui sont directement nécessaires à la réadaptation professionnelle ou à la réadaptation en vue de l’accomplissement des gestes du quotidien comme se laver, s’habiller, etc. (art. 12 LAI) ou qui correspondent à la prise en charge des coûts de traitement d’affections congénitales (art. 13 LAI).
  • Mesures d’intervention précoce (art. 7d LAI) : elles peuvent s’étendre sur 12 mois au plus après le dépôt de la demande, ne font pas l’objet de versement d’indemnités et ne correspondent pas à un droit. Elles visent à
    • faciliter une formation professionnelle initiale de mineurs dès l’âge de 13 ans et des jeunes adultes jusqu’à l’âge de 25 ans atteints dans leur santé, ainsi que de soutenir leur entrée sur le marché du travail ;
    • maintenir à leur poste les personnes assurées en incapacité de travail ;
    • permettre la réadaptation des personnes assurées à un nouveau poste au sein de la même entreprise ou chez un autre employeur.

Voici l’éventail des solutions possibles :

  • adaptation du poste de travail
  • cours de formation
  • placement
  • orientation professionnelle
  • réadaptation socioprofessionnelle
  • mesures d’occupation
  • conseils et suivi

 

  • Mesures de réadaptation : elles s’adressent à des personnes assurées atteintes ou menacées d’invalidité[1]. Elles peuvent se combiner ou se succéder. Les conditions d’octroi varient en fonction notamment de l’âge de la personne assurée, de son niveau de développement, de ses aptitudes ou encore de la durée probable de la vie active. Voici l’éventail des solutions possibles :
  • mesures médicales
  • conseils et suivi
  • mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle
  • moyens auxiliaires
  • mesures d’ordre professionnel

Les mesures d’ordre professionnel peuvent consister en :

  • orientation professionnelle
  • formation professionnelle initiale (y c. perfectionnement professionnel)
  • reclassement
  • placement
  • placement à l’essai
  • location de services
  • allocation d’initiation au travail
  • indemnité en cas d’augmentation des cotisations sociales
  • aide en capital
  • Mesures de nouvelle réadaptation : il s’agit de mesures de réadaptation réservées aux bénéficiaires de rente dont la capacité de gain peut vraisemblablement s’améliorer.
  • Rente AI : elle vise à contribuer ou à assurer l’autonomie financière d’une personne dont l’invalidité atteint au moins 40%. D’un quart pour une invalidité de 40%, le taux de rente augmente progressivement jusqu’au degré d’invalidité de 70%, à partir duquel une rente entière est servie. La modestie des montants en jeu (1195 CHF à 2390 CHF au maximum) rappelle que l’AI est une assurance du 1er pilier destinée à garantir les moyens d’existence, même s’il faut bien admettre qu’en réalité, la rente AI ne permet bien souvent pas à elle seule d’offrir cette garantie – les prestations complémentaires viennent alors compenser ce qui doit l’être. À noter que la détermination de l’invalidité par l’AI déclenche le versement de la rente prévue par l’assurance LPP (2e pilier), pour autant que la personne concernée soit affiliée à une caisse de pension.

Une aide qui paie

En 2021, l’Office AI du canton de Neuchâtel (OAINE) a octroyé 2228 mesures de réadaptation, dont 831 mesures d’intervention précoce, 645 reclassements et 470 formations professionnelles initiales, pour un montant total de plus de 58 millions de francs, qui a bénéficié à l’ensemble du tissu économique neuchâtelois. Les conseillers et conseillères en réadaptation de l’AI ont par ailleurs aidé 486 personnes atteintes durablement dans leur santé à rester sur le premier marché du travail (288 maintiens à la place de travail, 32 nouveaux postes dans la même entreprise et 166 nouveaux postes dans une autre entreprise).

Et vos collègues du service médical régional de l’AI, qu’attendent-ils de vous ?

Pour que les différents moyens à disposition de l’AI bénéficient à vos patients durablement atteints dans leur santé, les six médecins du Service médical régional de l’AI (SMR Suisse romande, basé à Vevey) dévolus à l’examen des dossiers des assurés neuchâtelois et présents sur le site de l’OAINE à La Chaux-de-Fonds comptent sur vous, en particulier pour les points suivants :

  • Désigner les diagnostics médicaux[2] qui se répercutent durablement sur la capacité de travail ou d’accomplissement des activités quotidiennes et la date dès laquelle ils sont connus.
  • Définir les limitations fonctionnelles (LF) qui, d’une part, expliquent et étayent l’incapacité de travail (IT)[3] attestée, d’autre part, dessinent les contours de ce que peut être une activité adaptée (AA)[4].
  • Évaluer la capacité de travail (CT) raisonnablement exigible dans l’activité habituelle (en principe, l’inverse de l’IT) en terme de nombre d’heures par jour et de rendement[5].
  • Évaluer la capacité de travail raisonnablement exigible d’un point de vue médico-théorique dans une activité adaptée (AA)[6].

Quid du secret médical?

L’art. 6a de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) précise qu’en faisant valoir son droit aux prestations de l’AI, la personne assurée, en dérogation à l’art. 28, al. 3, de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), autorise les personnes et les instances mentionnées dans sa demande à fournir aux organes de l’AI tous les renseignements et documents nécessaires pour établir ce droit. Ainsi, vous êtes non seulement en droit de fournir les renseignements tirés de votre consultation, mais aussi de transmettre les informations médicales en votre possession émanant de consultations d’autres spécialistes.

Vos patients sont nos assurés

Si le rapport médical est l’outil standard de notre communication avec vous, rappelons ici que le dialogue entre le médecin traitant, le gestionnaire AI chargé d’instruire la demande, le conseiller en réadaptation AI et l’équipe médicale de l’Office AI est tout aussi essentiel. In fine, il s’agit pour le médecin traitant de s’assurer que son patient bénéficie de ce qui est le mieux pour lui et pour l’AI de veiller à ce que la personne assurée reçoive ce à quoi elle a droit, au vu de son état de santé et de son potentiel de travail.

Pour toute question liée à l’AI, vous pouvez vous adresser aux personnes suivantes :

Questions d’ordre médical

Questions d’ordre administratif

Dr Philippe Freiburghaus, responsable de l’équipe médicale SMR SR Neuchâtel et Jura

032 910 71 90

Pasquale Ferraro, chef du secteur Prestations générales et rente (gestionnaires AI)

032 910 71 29

Site web de l’Office AI NE : www.ai-ne.ch > Professionnels de la santé

Site d’information sur l’AI destinés aux médecins : www.ai-pro-medico.ch

Site web de l’AI fédérale : www.avs-ai.ch

Bon à savoir

  • Déterminer une capacité résiduelle de travail d’au moins 20% permet à votre patient de bénéficier intégralement des indemnités de l’assurance-chômage, dans l’attente d’une décision de l’AI.
  • Préparer votre patient aux décisions de l’AI auxquelles il doit s’attendre et l’encourager à suivre les mesures de réadaptation qui lui sont éventuellement proposées lui sera souvent bénéfique. Cela ne vous empêchera en rien de livrer par la suite des arguments qui s’opposent aux évaluations et décisions dont votre patient aura fait l’objet.
  • Selon l’art. 7 LAI, une personne assurée doit entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé d’elle pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de travail (art. 6 LPGA) et pour empêcher la survenance d’une invalidité (art. 8 LPGA). Il peut s’agir de l’obligation de participer à des mesures de réadaptation ou de se soumettre à un traitement médical. Il s’agit généralement de suivis psychiatriques ou addictologiques, qui représentent souvent des défis pour les médecins concernés (manque de motivation et de participation du patient, entrave à la liberté thérapeutique).
  • Qu’un patient soit au bénéfice d’une rente de 50% d’une rente entière AI ne signifie pas pour autant que sa capacité de travail résiduelle est de 50% et vice-versa. Une capacité de travail dans une activité adaptée de 50% peut aboutir, le cas échéant, à un taux de rente supérieur ou inférieur à 50% (comparaison des revenus).
  • Les incapacités de travail attestées dans le cadre d’une situation conflictuelle avec l’employeur aboutissent trop souvent à des désinsertions professionnelles et à des demandes AI. Notre conseil : évitez dans toute la mesure du possible d’être instrumentalisé dans de tels contextes et définissez au plus vite le retour d’une capacité de travail, en indiquant par exemple « dans toute activité exercée ailleurs que chez l’employeur actuel ».
  • Selon la jurisprudence, les syndromes de dépendance sont évalués au même titre que n’importe quelle autre atteinte à la santé. Il est dès lors contre-productif de passer sous silence leur éventuelle existence, qui requiert le plus souvent l’appréciation d’un expert, notamment pour la détermination du caractère exigible de l’abstinence.

Note

[1] Dans le contexte de l’AI, l’invalidité est un concept juridique fondé sur des considérations économiques et médicales, qui correspond à une perte durable de la capacité de gain, totale ou partielle, en raison d’une atteinte à la santé.

[2] Même si l’étiologie n’est pas déterminante en matière d’AI, les dénominations diagnostiques se terminant par le suffixe –algie sont en principe insuffisantes. Par ailleurs, les diagnostics psychiatriques doivent être assortis de leur code ICD et leurs répercussions sont seulement prises en compte lorsque c’est un spécialiste en psychiatrie qui les désigne.

[3] Incapacité totale ou partielle d’exercer l’activité habituelle (AH).

[4] Activité qui tient compte au mieux des limitations fonctionnelles.

[5] Même si l’évaluation finale d’une CT doit se fonder sur des considérations multidisciplinaires, il est attendu de l’auteur du rapport médical qu’il évalue CT et LF relevant de sa spécialité et de sa sphère de compétence. Il arrive encore trop souvent qu’un somaticien retienne des restrictions à la CT relevant principalement de LF psychiques et qu’un psychiatre, à l’inverse, invoque des LF somatiques à l’origine des restrictions à la CT.

[6] Il s’agit généralement d’une évaluation cruciale. Or c’est celle qui fait le plus souvent défaut dans les rapports que nous recevons. Se prononcer d’un point de vue médico-théorique demande un effort de réflexion et d’imagination et fait craindre de se tromper voire de prétériter les intérêts de son patient. En outre, la considération de facteurs étrangers à l’AI, c’est-à-dire ne relevant pas d’une atteinte à la santé (méconnaissance de la langue, absence de formation, etc.) conduit souvent à sous-évaluer la CT dans une activité adaptée. Or si les médecins en charge du patient ne fournissent pas une appréciation crédible de la CT dans une activité adaptée, les médecins du SMR devront recourir à une expertise médicale (le médecin SMR n’est pas habilité à définir de son propre chef et sur la base de ses connaissances et de son expérience une CT sans avoir examiné la personne assurée). Vous conviendrez qu’il est sans doute préférable pour votre patient qu’il puisse bénéficier de mesures mises en place en collaboration avec son ou ses médecins plutôt que sur la base de l’évaluation d’un expert.