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Madame Ketsia Ramchurn , infirmière & directrice du Home Beaulieu, Hauterive/NE Dr Réza Kehtari, Médecin responsable, Home Beaulieu, Hauterive/NE

Une expérience dans la gestion du COVID en EMS

« symptômes, complications et pistes thérapeutiques »

Cet article constitue une analyse très sommaire de ce que nous avons pu réaliser à petite échelle. Nous croyons cependant, qu’en regard des résultats positifs, il serait souhaitable d’étudier de manière plus formalisée les axes thérapeutiques décrits, dans le but d'élaborer des recommandations cliniques.

Concernant les complications hémodynamiques et métaboliques, il serait instructif de voir si des études telles que celles menées par Puntmann et al. (2020) viennent confirmer nos observations et si des explications se dessinent.

Quant à l’état confusionnel finalement, le sujet est déjà abondamment traité dans la littérature. Il reste malheureusement encore trop méconnu et sous-diagnostiqué par les soignants, qui omettent dès lors de déployer des axes de prises en charges souvent simples mais qui impactent réellement la capacité de récupération des patients.

Nous sommes convaincus de l’importance de procéder à la revue critique de nos procédés de soins car l'expérience d'hier mais surtout sa lecture critique constitue le socle qui doit nous permettre d'agir avec plus de pertinence demain.

Face à une pandémie qui se veut toujours menaçante, face aux peurs qui trouvent bien souvent leurs origines dans le manque de compréhension des phénomènes que nous avons à affronter, offrir un regard plus complet et même très imparfait s'avère une piste particulièrement cruciale pour améliorer la qualité des soins que nous dispenserons demain.

Introduction

Mi-mars 2020, notre EMS de 19 lits a été largement touché par la pandémie de COVID alors à ses débuts. Notre équipe de travail a dû rapidement faire face à des situations cliniques nouvelles, pleines d’inconnues, qui ont demandé(s) une grande capacité d’adaptation mais aussi beaucoup de proactivité.
Dans cet article, nous essayons de décrire de manière objective la manière dont cette crise a été gérée dans notre institution durant les différentes phases, notamment :

1. La phase aiguë avec la prise en charge des symptômes et complications.

2. La phase chronique où nous avons eu à manager des complications secondaires de nature neurologique, hémodynamique ou encore métabolique.

Les données exposées dans cet article émanent d’un tableau de suivi clinique que nous avons élaboré durant la pandémie. Il nous a permis de suivre et d’adapter nos actions et de mesurer l’évolution des symptômes de nos résidents. Afin d’assurer la véracité de nos données, nous avons procédé en juillet dernier à des sérologies chez tous nos résidents et nos collaborateurs. Nous avons ainsi pu établir un lien direct entre les symptomatologies observées en mars et les contaminations COVID.

Méthodes et stratégies évaluatives

En préambule et avant de rentrer à proprement parler dans le récit de ce qui fut un événement sanitaire hors norme, il nous semble important de rappeler que ce qui rendit la situation particulièrement complexe pour les acteurs du terrain fut le manque de connaissances cliniques et thérapeutiques sur lesquelles s’appuyer. A l’heure où l’Evidence Based constitue un standard non discutable, nous avons dû prendre en charge des personnes extrêmement fragiles sans avoir une idée claire sur le type de symptômes que nous allions observer, la meilleure manière de les prendre en charge ainsi que les chances de survie de nos résidents.

Complexité supplémentaire reliée à la gériatrie, au-delà de la question de ce qu’il est « possible » de faire, émerge toujours la question de l’adéquation avec le projet thérapeutique anticipé du résident. En effet, l’âge et la perte d’autonomie encouragent parfois les personnes concernées à privilégier le maintien de la qualité de vie et du confort sur la durée des années vécues. A la complexité de la prise en charge clinique se mêle ainsi immanquablement le dilemme éthique de se montrer juste et bienfaisant tout en respectant le droit à l’autodétermination de chacun.

Tenant compte de cette situation nouvelle et de sa complexité, comme mentionnée, nous avons opté pour une approche analytique de nos observations basées sur :

a) taux de contamination, b) type, fréquence et durée des symptômes observés, c) mettre les données en lien avec les axes thérapeutiques que nous avons choisis de privilégier à court et moyen terme, d) analyse critique de notre démarche afin de mettre en évidence les bénéfices et les limites y relatifs,
e) recommandations et/ou éventuelles pistes de réflexion et thématiques pertinentes à approfondir.

 Etat des lieux :

Au mois de mars 2019, deux jours après l’annonce du confinement, nous faisions face à l’annonce de nos premiers cas COVID. En l’espace de quelques jours, les cas se sont multipliés chez nos collaborateurs et nos résidents, nous plaçant face à une situation clinique complexe où, tout en manquant de ressources humaines, nous avons vu la charge en soins exploser. Nous avons dû très rapidement mettre en place des mesures de confinement généralisées, augmenter les dispositifs de désinfection, réorganiser le travail pour assurer des soins et surveillances adaptés à de nouveaux besoins. Devant cette situation atypique, où nous observions des symptômes peu décrits, et face au manque de données sur lesquelles s’appuyer, nous avons mis en place un tableau de suivi clinique (figure 1) qui nous a permis de suivre chez chaque résident l’évolution quotidienne des symptômes en parallèle des traitements mis en place. Ce recueil de données nous a permis d’avoir rapidement une idée des symptômes récurrents, de leur durée moyenne et de réfléchir aux axes de traitement simple mais efficace que nous pouvions imaginer afin de stabiliser nos résidents. Face au manque de connaissances cliniques propres au COVID, nos actions se sont basées sur une démarche de transposition clinique : observer les symptômes, en déduire les conséquences potentielles et mettre en place des mesures qui enrayent les conséquences négatives pour le patient.

Test sérologique :

En juillet afin de vérifier si les symptômes observés chez nos résidents correspondaient à une contamination COVID, nous avons pris la décision de tester l'ensemble de nos résidents avec l'accord des familles.

Parmi les résidents présents, au moment de notre vague de COVID en mars, nous avons dénombré 14 tests positifs sur 17 soit 82,3% de tests positifs. Nous avons effectué cette même démarche chez le personnel pour obtenir 13 tests positifs sur 24 soit 54%. Concernant les résidents, 3 avaient eu un PCR positif en mars. Pour le personnel, 8 avaient eu un PCR positifs. Ce différentiel s’explique par le nombre de PCR limité à trois par institution en raison de la pénurie de matériel.

Symptômes et tableau clinique 

Chez nos résidents âgés le tableau clinique était dominé par les symptômes suivants :

  • Asthénie (100% des résidents suivis)
  • Etat fébrile (90,9% des cas)
  • Symptômes digestifs : nausées, vomissements, perte d'appétit, diarrhées (63,6% des cas)
  • Toux (54,5% des résidents)
  • Hypoxémie avec singes d’insuffisance respiratoire nécessitant un apport en O2 (36% des patients).
  • 75% des cas associées à une surinfection pulmonaire avec nécessité d’une antibiothérapie supplémentaire

Durée des symptômes :

  • 27,3% de nos résidents n'ont présenté aucune manifestation clinique bien qu'il reste parfois difficile d'observer certains phénomènes comme l’agueusie ou l’anorexie chez des patients présentant des troubles cognitivo-comportementaux.
  • 18% des résidents ont présenté des symptômes furent très légers sur une durée de 3 jours.
  • 72,7% des résidents ont présenté des symptômes sur une durée d'environ 12 jours.

A noter que la prolongation par des ECA ( figure 2) et la présence d'une asthénie importante durant la période virale rend parfois difficile ce calcul. Pour rappel, l’état confusionnel est définit par le Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (DSM-V) selon cinq critères : 1) Diminution de la capacité à maintenir l'attention; 2) Désorganisation de la pensée; 3) Au moins 2 des manifestations suivantes : (obnubilation de la conscience ; anomalie de la perception, perturbation du rythme veille-sommeil ; modification de l'activité psychomotrice ; désorientation temporo-spatiale ; troubles mnésiques.; 4) Évolution de cette symptomatologie sur une courte période ; 5) Facteur organique présumé ou confirmé en l’absence de troubles psychiatrique.

Taux d’anticorps :

La variabilité des taux d'anticorps (AC) est importante. Elle varie entre 1,23 et 8,3 pour les résidents et entre 1,2 et 5,89 pour le personnel. Nous observons donc peu de différence entre la production d'anticorps entre nos résidents et notre personnel. Nous notons cependant la présence de cas où le taux très faible d’IGM fait qualifier ces personnes de réactives (3 membres du personnel et 1 résidente). Parmi ceux-ci, une seule personne a présenté des symptômes de COVID, les autres ont été asymptomatiques.

Il est actuellement très difficile de pouvoir tirer une quelconque conclusion sur le plan immunitaire, sa durée et le taux d’AC présent. Notre objectif serait de procéder à un nouveau testing d'ici 4 à 6 mois afin de pister l'évolution du taux des AC et, si possible, son impact sur le plan de protection et/ou de défense immunitaire.

Axes thérapeutiques :

En mars dernier, seuls quelques symptômes courants (toux, insuffisance respiratoire, fièvre, douleurs musculaires) étaient connus et compatibles avec une contamination au COVID-19. Toutefois conscient du fait que les personnes âgées présentent, pour bon nombre de pathologies et/ou des symptomatologies atypiques, nous avons dès lors et par mesure de sécurité, décidé de considérer tout symptôme inhabituel chez un résident comme COVID compatible.

Utiliser la transposition clinique dans la phase aiguë :

Dans les milieux de soins aigus, il est précocement enseigné aux infirmiers la manière et le choix de dégager les soins et surveillances nécessaires chez un patient en fonction de la nature des pathologies, des symptômes, des traitements et des divers risques associés. Comme nous manquions de documentation propre au COVID pour aiguiller nos actions, nous avons choisi de privilégier cette approche afin de mettre en place auprès de nos résidents toutes les actions « standards » qui pouvaient les aider à passer cette phase critique. Conscients également que les moyens de prise en charge sont, en raison des infrastructures, de la logistique et aussi du niveau de formation du personnel, rapidement limités en EMS, notre objectif était, du fait, de mettre en place toute action à même d'augmenter, ne serait-ce que de 1 à 2 %, les chances de survie de nos résidents, pour autant que cela reste en accord avec le projet thérapeutique du résident.

Ce modèle réflexif de transposition clinique, nous a permis de comprendre que les symptômes observés et ci-dessous mentionnés, engendraient rapidement des complications par baisse d’état général, de volémie et de dénutrition susceptible d’impacter leur fonctionnement hémodynamique de manière générale.

  • La fièvre accroit les pertes hydriques tout en majorant le travail cardio-vasculaire et les besoins en oxygène.
  • Les nausées et les vomissements diminuent leur apport calorique et liquidien.
  • L’asthénie s’accompagne souvent d’une anorexie et d'une réduction de l’hydratation.
  •  Face à ces constats, nous avons décidé d’appliquer à l’entier de nos résidents un ensemble de mesures très simples.
  • Mise en place de Bilan hydrique, Stimulation de l'hydratation et supplémentation en vitamines et électrolytes.
  • Supplémentation calorique liquide(s) (type SNO) chez les résidents présentant une anorexie
  • Régularisation de la température par l’administration de fébrifuge (Paracétamol) afin de diminuer les besoins en oxygène et la charge cardiaque et les besoins métaboliques y relatifs.
  • Contrôle de la saturation en O2 (SpO2) et des signes d'insuffisance respiratoire et soutien en oxygène si nécessaire.
  • D'autres axes se sont rajoutés par la suite, comme la prescription de traitements anticoagulants pour les résidents alités sur une longue période, ou encore l’antibiothérapie lors de surinfections pulmonaires

L’ensemble des mesures entreprises est résumé dans le tableau 1 « SYMPTÔMES ET AXES THÉRAPEUTIQUES ».

Prise en charge de l’état confusionnel :

Suite à deux semaines d’évolution, nous avons observé une résolution progressive des symptômes associés au COVID-19. Nos résidents étaient alors presque tous confinés en chambre avec, pour conséquence, un isolement social important mais aussi une perte globale des stimulations physiques et cognitives, ce qui peut se révéler particulièrement délétère chez une personne âgée.

Nous avons alors pris conscience qu’à peine sortis de cette phase aiguë, nous devions continuer à travailler avec acharnement afin d'enrayer les complications au long court, dont l'état confusionnel semble être un élément majeur.

L’état confusionnel est bien connu chez les personnes âgées comme complication consécutive à un événement aigu(ü), comme une chute, une infection, la prise de certains traitements ou, aussi et tout simplement, lors d'une hospitalisation. Ce phénomène a donc déjà été largement traité dans la littérature et il existe de nombreuses recommandations simples à mettre en place pour prévenir et traiter cette pathologie corrélée à un taux élevé de décès chez les sujets âgés, car trop souvent sous-diagnostiquée.

Nous avons, pour notre part, observé des signes d’état confusionnel chez 45,5% de nos résidents atteints, le plus souvent sous une forme hypo-active.

Durant cette seconde phase, les axes de prise en charge ont été surtout concentrés sur la poursuite du maintien d’une hydratation adéquate, d’une mobilisation au maximum des résidents avec exposition à la lumière du jour pour mieux resynchroniser leur rythme nycthéméral et, enfin, d’éviter une déprivation sensorielle (port des lunettes, appareils auditifs).

Complications :

  • Incidents thromboemboliques : EP& TVP (18% des patients)
  • Etat confusionnel (45,5% des cas).
  • 36,3% de nos résidents ont présenté des PIC hypertensifs qui semblent signer une souffrance cardiaque associée au COVID. L’observation de ce phénomène a donné lieu à une revue complète de la médication hémodynamique qui a permis de stabiliser ces situations après 4 à 8 semaines.
  • 27,3% des résidents ont présenté des épisodes de prurit généralisé, qui ont conduit à la prescription de topiques apaisants.  Ce symptôme s'est manifesté sur une durée de 2 à 4 semaines avant de diminuer progressivement.
  • 18% des patients ont présenté des perturbations du profil glycémique, le plus souvent asymptomatique, requérant une revue complète des traitements.

Analyse critique : 

Etre en mesure de constater que 82% de nos résidents ont été contaminés par le SARScov2 et qu'ils ont survécu constitue assurément un marqueur important que les démarches mises en place, associées à l’engagement intense des collaborateurs auprès des résidents, ont été efficaces.

Il nous semble toutefois essentiel d’oser porter un regard plus fin et plus critique sur ce que nous avons fait, afin de rester dans une démarche d’amélioration continue (Lessons to be learned) qui nous permettra d’offrir demain des soins qui portent les fruits de nos expériences passées.

Taille de l’échantillon :

Le premier facteur qui semble impacter la fiabilité de nos résultats est le nombre très restreint de cas étudiés. En effet parmi les 20 résidents testés au total, seul 17 étaient présents au moment de cette première vague et seuls 11 ont bénéficié d’un suivi des symptômes. Si nous voulons offrir plus de contenance aux résultats obtenus, il est souhaitable de déployer à plus large échelle les axes thérapeutiques étudiés, en procédant, comme dans la présente étude, à une revue des symptômes et au testing des résidents traités.

Établir des guidelines de soins :

Un autre aspect qu’il nous semble primordial de relever, c’est que nous ne possédions pas de protocole clair sur la manière de gérer une épidémie institutionnelle, les mesures à mettre en place et les stocks de matériel minimaux permettant d’assurer des mesures additionnelles. Nous avons eu à faire face, comme la majorité des institutions, à un rationnement du matériel de protection nous permettant difficilement de protéger de façon optimale nos collaborateurs et nos résidents. Avoir des guidelines claires, indiquant les points d’alerte à considérer, les stocks à posséder et les mesures à déployer en cas de récidive, constitue une priorité en termes de gestion logistique et sanitaire.

Ce que nous avons constaté aussi, c’est que c’est la réactivité face aux situations cliniques qui a bien souvent assuré une évolution positive de nos résidents. Il s’agit dès lors d’établir, en parallèle, des protocoles et des algorithmes décisionnels qui permettent aux soignants de déterminer facilement les mesures qui peuvent être initiées chez un patient. Ces guidelines sont le plus souvent le résultat d’une collaboration médico-infirmière.

Questionner largement la médication :

Pechère-Bertschi et al. (2020) ont émis l’hypothèse que des molécules comme les « sartan » pouvaient influencer l’évolution clinique des patients atteints de la COVID-19. Nous n’avons pour notre part et, pour l’instant, pas encore demandé au médecin de revoir les traitements cardiovasculaires des résidents dans la phase aiguë. Il aurait pourtant pu être intéressant de questionner l’impact de la prise des diurétiques ou des anticalciques afin de conserver la volémie des résidents. Au niveau du risque thromboembolique, seuls 18% de nos résidents ont été mis sous anticoagulant (Clexane). Les études ont montré qu’il s’agissait de complications fréquentes et, en ce qui concerne notre établissement, nous avons constaté un cas d’embolie pulmonaire et un autre cas de thrombose veineuse profonde. Il semble donc important de questionner largement la mise sous anticoagulant dans le cas d’une contamination mais aussi plus simplement dans le cadre du confinement où l’activité du résident peut être largement réduite.

Comment faire mieux demain ?

Le constat principal que nous faisons est la nécessité d’établir des protocoles de soins et des algorithmes décisionnels qui accélèrent la réactivité des institutions et des soignants lors d’évènements inhabituels. Leur objectif est de formaliser le raisonnement clinique et de s’assurer que les options de soins sont en lien avec les connaissances cliniques actuelles (Evidence Based).

Cela permet également de fournir à plus large échelle des outils de travail aux équipes, car n’oublions pas que bon nombre d’EMS n’ont, à l’heure actuelle, pas été confronté directement à cette situation. Enfin ces outils sont un pas global vers une uniformisation des pratiques. A l’heure où la complexité des soins est croissante, développer des processus de travail uniformisés se révèle de plus en plus un marqueur de qualité des soins mais aussi le signe d’une volonté d’établir une meilleure coordination entre les acteurs et, par extension, d’un travail plus d’efficient.

L’inévitable question éthique 

Cette question relève toute la subtilité et la spécificité de la gériatrie. Comment respecter le droit à l’autodétermination du patient tout en osant questionner les bénéfices réels d’un traitement lourd ou, au contraire, de ne pas excessivement limiter l’accès aux soins sur la seule base de l’âge ?

Devant les possibilités quasi sans borne que nous offre la santé aujourd’hui, la question des limites thérapeutiques reste primordiale alors que dans le milieu gériatrique, la question du projet thérapeutique anticipé du patient devient prioritaire. Qu’est ce qui fait sens dans le projet de vie de la personne ? A 85 ans, beaucoup de personnes ne désirent pas forcément une longévité de plusieurs années mais souhaitent le maintien d’un maximum de qualité de vie et de dignité dans leur quotidien.

La culture, la religion, l’environnement social, les craintes mais aussi les aspirations sont autant d’éléments qui rendent chaque situation unique. Les soignants ont, dans ce contexte, la responsabilité d’agir comme un guide auprès des patients et de leur famille. Des mots comme ventilation ou acharnement ne parviennent souvent pas à rendre perceptible la complexité des soins que nous fournissons aujourd’hui et qui, tout en pouvant sauver, ne garantissent pas toujours le maintien de ce qu’on appelle une qualité de vie.

Conclusions

La réalisation des sérologies nous a permis d’objectiver que les symptomatologies observées et traitées au mois de mars concernaient réellement des cas de COVID 19, car, comme l’explique le professeur Lagier (2020), chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’IHU, il est nécessaire de détecter la présence actuelle ou passée du micro-organisme chez le patient par PCR ou sérologie (phase diagnostic) afin de prouver que le cas étudié concerne la pathologie référée (IHU Méditerranée-Infection, 2020).

De manière globale, nous constatons que, si les stratégies déployées n'ont pas été en mesure de contenir la contamination (82% chez les résidents et 54% chez le personnel), elles nous ont en revanche permis de stabiliser l'état de santé dans la phase aiguë et surtout de favoriser une récupération à long terme. En effet, suite à l’ajustement des traitements, nos résidents ne montrent aujourd’hui aucune séquelle neurologique ou en termes d’autonomie fonctionnelle.

Comment expliquer ces chiffres quand on constate aujourd’hui que 50% des décès en Suisse ont eu lieu en EMS comme décrit par Ackermann et al. (2020) ? Ou comment déterminer parmi les décès stipulés, lesquels sont directement liés au COVID-19 et lesquels sont rattachés à des complications secondaires telles citées plus haut. ? Et finalement que sait-on réellement de la capacité de résistance de ces sujets âgés institutionnalisés qui malgré leurs poly-pathologies réalisent souvent l’exploit de parvenir à un âge bien supérieur aux moyennes nationales ?

Concernant les complications à moyen terme nous en retiendront principalement deux.

1.- L’ECA (définition), essentiellement sous forme hypo active.

Cela a représenté un travail massif pour les équipes de soins, dans une période où beaucoup se sentaient épuisés par un mois de tensions psychologiques, de travail intense et, pour bon nombre d’entre eux, en ayant eu à faire face eux-mêmes à une phase de contamination. En appliquant les axes « Evidence based » pour prévenir et traiter les ECA, nous avons pu obtenir des résultats extrêmement encourageants.  Le point crucial semble avoir été la réaction précoce et la proactivité. Et nous ne pouvons qu’insister sur l’importance de maintenir au maximum la stimulation cognitive et physique des personnes âgées surtout en situation de confinement.

2- Les complications hémodynamiques : Nous avons observé plusieurs phénomènes, (Thrombose, embolie pulmonaire, pic hypertensif) bien que l’établissement d’un lien direct avec le COVID semble difficile.  Nous n’avons malheureusement pas pensé à questionner largement sur l’intérêt de l’introduction d’anti-coagulation à titre prophylactique, même si cette option est sujette à caution chez le sujet âgé, en raison du risque d’hémorragie lié aux chutes. Mais la baisse importante de l’activité physique globale, l’asthénie et l’alitement inhérents que nous avons observé en phase aiguë pourrait introduire son éventuel intérêt dans les priorités thérapeutiques.

Quant aux résultats des tests sérologiques effectués dans notre institution, nous avons remarqué une variabilité sensible du taux d’anticorps chez nos résidents comme chez les soignants sans pour autant une différence significative entre les deux groupes. Il sera intéressant de contrôler à nouveau ces paramètres à intervalles réguliers (4-6mois) afin d'observer l’évolution de ces chiffres ceci pour autant que des futures études puissent en déterminer ses impacts sur l’immunité face à une nouvelle contamination et sa durée.

Bibliographie :

Ackermann, S., Baumann Hölzle, R., Biller Andorno, N., Krones, T., Meier-Allmendinger, D., Monteverde, S., ... & Weidmann-Hügle, T. (2020). Appel aux responsables de la politique, du management, des soins et de la prise en charge* Pandémie: protection et qualité de vie des personnes en EMS. Bulletin des médecins suisses101(2728), 843-845.

Carballo, S., & Emery, J. (2009). Etat confusionnel aigu: une approche systématique. Rev Med Suisse5, 2034-2039.

Ebbing, K., Giannakopoulos, P., & Hentsch, F. (2008). Etat confusionnel chez la personne agee: une detection laborieuse. Revue médicale suisse, (153), 966-973.

Ho, L. K. S., & Truchard, E. R. (2020). COVID-19 et médecine ambulatoire-Patient· e· s âgé· e· s: qu’avons-nous appris?. Revue medicale suisse16(701), 1444-1445.

Meier, D., Domenichini, G., Mahendiran, T., Pagnoni, M., Monney, P., Pruvot, E., ... & Fournier, S. (2020). PandÈmie de COVID-19: aspects cardiologiques. Rev Med Suisse16(692), 930-932.

Pechère-Bertschi, A., Ponte, B., & Wuerzner, G. (2020). Les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone en temps de pandémie Covid-19â: amis ou ennemisâ?. Rev Med Suisse, 1003-1007.

Puntmann, V. O., Carerj, M. L., Wieters, I., Fahim, M., Arendt, C., Hoffmann, J., ... & Vehreschild, M. (2020). Outcomes of cardiovascular magnetic resonance imaging in patients recently recovered from coronavirus disease 2019 (COVID-19). JAMA cardiology.

Verloo, H. (2014). Détection et prévention de l'état confusionnel aigu chez des personnes âgées à domicile après une hospitalisation ou maladie aiguë récente: une étude clinique randomisée pilote.

IHU Méditerranée-Infection, (2020). Leçon et examen de maladies infectieuses à propos du COVID-19. https://www.youtube.com/watch?v=qejCC2R9zAU