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Cindy Bregnard, collaboratrice scientifique | Laurent Kaufmann, médecin cantonal

Canicule 2023

Résultats de l’enquête du service cantonal de la santé publique auprès des partenaires de santé du canton de Neuchâtel

Introduction

Du samedi 19 août au vendredi 25 août, une période de canicule s’est installée sur l’ensemble de la Suisse.  

Comment la population du canton a-t-elle supporté cette période de canicule ?
Comment les dispositifs de soins ont-ils dû s’adapter ?

Telles ont été les interrogations du service cantonal de la santé publique.  Un questionnaire en ligne a ainsi été adressé aux partenaires principaux de la santé par un message du médecin cantonal lors de la fin d’alerte canicule.

Les objectifs de l’enquête étaient donc d’évaluer l’impact de la canicule tant sur la santé de la population que sur l’ensemble du dispositif de soins neuchâtelois, ceci pour permettre aux autorités politiques et sanitaires de prendre les mesures adéquates et ajuster les recommandations.

Nous publions ici à destination du corps médical les résultats utiles de l’enquête.

Analyses descriptives

Un total de 114 questionnaires a été recueilli entre le 25 août et le 08 septembre 2023. Le sondage a été rempli par 12 domaines d’activité distincts qui ont été regroupés en 5 groupes d’activité (Figure 1). L’estimation du taux de participation global n’est pas réalisable pour la majorité des groupes d’activité étant donné que le nombre de destinataires du courriel n’était pas connu. Cependant, une participation plus que satisfaisante de 54% est à noter de la part des EMS (28 établissements sur 52 dans le canton de Neuchâtel).

Figure 1 : Groupes d’activité créés à partir des 12 domaines d’activité distincts.

Résultats et discussion

Tolérance générale de la canicule par les bénéficiaires

A la question : « De façon générale, comment vos bénéficiaires ont-ils traversé cette période caniculaire ? », les partenaires de santé ont répondu à 41% « difficilement » ou « très difficilement », 38% ont répondu « moyennement » et seuls 21% ont répondu « facilement » ou « très facilement » (Figure 2).

Figure 2 : Observation de la tolérance générale de la canicule par les bénéficiaires de soins.

Le groupe Infirmier.e.s a observé plus souvent des situations difficiles (probablement par une proximité plus grande avec les personnes vulnérables), le groupe Services d’urgence n’a observé que rarement des situations faciles (probablement par effet de concentration)
(Figure 3).

Très facilement
Facilement
Moyennement
Difficilement
Très difficilement

Figure 3 : Observation de la tolérance générale de la canicule par les bénéficiaires de soins en fonction des groupes d’activité.

Impact sur la structure du domaine d’activité

En période de canicule, les conditions de travail des prestataires de soins peuvent être modifiées rapidement tant en raison d’une modification de la demande, que par une modification des conditions même de travail. Dans ce sens, les partenaires de la santé ont été interrogés sur trois impacts possibles concernant leur propre structure en lien avec une période caniculaire.

La question suivante était posée : Comment votre structure a-t-elle été impactée par cette période de canicule –  au niveau logistique – au niveau organisationnel – au niveau des ressources humaines (RH) ?

Dans le groupe des Médecins, une minorité d’entre eux mentionnent avoir été impactés « fortement » ou « très fortement » sur les plans logistique, organisationnel et RH (3%, 10% et 6% ; Figure 4).

Dans le groupe des EMS, leurs structures semblent davantage avoir été « fortement » impactées par rapport aux autres groupes d’activité, tant sur le plan logistique que sur le plan organisationnel (22% et 18%).

Dans le groupe des Infirmier·e·s indépendant·e·s, une minorité mentionnent avoir été impactée « fortement » ou « très fortement » sur les plans logistique, organisationnel et RH (10%, 10% et 3%).

Dans le groupe des Pharmacien·ne·s, une partie importante d’entre eux mentionnent avoir été « fortement » impactés sur le plan logistique, alors qu’une minorité d’entre eux ont rapporté un impact au niveau RH (25% et 5%).

Dans les groupe des Services d’urgence, leurs structures semblent davantage avoir été « fortement » impactées par rapport aux autres groupes d’activités sur les plans logistique, organisationnel et RH (25%, 38% et 25%), même si une comparaison de ces chiffres avec les autres groupes d’activité doit être mesurée au vu d’une participation plus faible.

Figure 4 : Impact sur la structure au sein de chaque groupe d’activité.

Mesures ou adaptations futures

Les partenaires de la santé pouvaient librement s’exprimer sur de possibles adaptations futures pour mieux faire face à de prochaines périodes de canicules.

A la question « Compte tenu de votre expérience de cette année, envisagez-vous des mesures ou des adaptations pour l’année prochaine ? », plus d’un tiers d’entre eux envisagent des adaptations.

Le projet d’envisager des adaptations concerne 88% des Services d’urgence, 50% des EMS et 38% des Infirmier·e·s indépendant·e·s. Seuls 20% des Pharmacien·ne·s et 17% des Médecins mentionnent des adaptations à envisager (Figure 5).

Figure 5 : Volonté de mises en place de mesures ou d’adaptations futures au sein de chaque groupe d’activité.

Commentaires et remarques par domaine d’activité

Médecins :

L’importance inattendue des décompensations psychiatriques a été relevée (augmentation de 44% des urgences par agitations psychomotrices, décompensations anxieuses…). La nécessité d’envisager des messages d’adaptation de traitements médicamenteux a été mentionnée. Les parturientes et les nouveau-nés ont notablement souffert de la canicule.

La mise en place de systèmes d’aération est l’adaptation la plus préconisée ainsi que celle d’une surveillance plus accrue pour la population à risque. Alors que les conditions de travail ne sont que peu critiquées, le demande de soutien auprès des communes est accrue chez les Médecins.

EMS : Majoritairement, la mise en place de systèmes d’aération est l’adaptation la plus sollicitée ainsi que des adaptations architecturales en lien avec la volonté d’améliorer l’isolation thermique à l’aide de barrières physiques. Il est à noter que plusieurs adaptations concernant la tenue vestimentaire, la communication, le stockage ainsi que l’eau et l’alimentation ont également été formulées mais de manière plus sporadiques. La carence de communication de la part du service de la santé publique a été soulevé par plusieurs EMS alors que les conditions de travail ainsi que l’importance de la préparation des périodes de canicule n’ont été relevées qu’une seule fois.

Infirmier·e·s indépendant·e·s : les adaptations organisationnelles, telles que l’adaptation des horaires et l’augmentation des visites et appels téléphoniques à domicile, sont les mesures qui ont été reportées le plus souvent. Les Infirmier·e·s indépendant·e·s ont rapporté une pénibilité des conditions de travail (trajets en voiture) ainsi qu’une carence de communication de la part du service de la santé publique ainsi que des institutions elles-mêmes.

Pharmacien·ne·s : la mise en place de systèmes d’aération est l’adaptation la plus préconisée ainsi que celle des conditions de stockage. Il est noté que les Pharmacien·ne·s ont également soulevé l’importance de la préparation pour les périodes de canicule.

Services d’urgence : dans ce groupe, une adaptation au niveau de la communication en général est fortement plébiscitée ; sont mentionnés également la mise en place de systèmes d’aération, le souhait d’adaptations architecturales et organisationnelles. Plusieurs critiques ont été formulées concernant les conditions de travail. Des témoignages de températures extrêmes dans des lieux de soins ont été recueillis.

Conclusions

Avec les résultats de l’enquête auprès des partenaires de la santé, le service cantonal de la santé publique retire un grand nombre d’informations utiles.

L’impact global de cet épisode de canicule de sept jours sur la santé de la population peut être qualifié de significatif. Il faut relever que la probable surmortalité y relative n’a pas encore été publiée par l’OFSP. L’impact inattendu sur la santé psychique a été souligné.

L’enquête confirme la nécessité pour les autorités de transmettre des messages d’alerte; ceux-ci pourraient cependant être plus précis et mieux ciblés.

L’impact de la canicule sur les structures de la santé a été non négligeable et des adaptations doivent être mise en place dans plusieurs domaines : architectural, technique, organisationnel etc…

L’adaptation des traitements médicamenteux pendant les périodes de canicules devrait être une préoccupation nouvelle à prendre en considération par les différentes sociétés médicales vu la complexité des messages à transmettre et les difficultés de mise en œuvre individuelles.

Les professionnels de la santé ont aussi un rôle à jouer pour sensibiliser les responsables politiques de la nécessité de prendre des mesures afin de protéger la santé publique contre les effets néfastes des canicules sur la santé de la population.