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Mme Manon Tendon | cheffe de l’Office des prestataires ambulatoires, Service Cantonal de la Santé Publique NE

Modifications de la LAMal du 19 juin 2020 : limitation du nombre de médecins et conditions d’admission

Historique de la limitation des admissions

Pour faire face à l’augmentation des coûts des prestations fournies dans le domaine ambulatoire, induisant une hausse des primes d’assurance-maladie, le Parlement a introduit une première clause du besoin en 2001. Cette mesure – également appelée moratoire – initialement limitée à trois ans, a été prolongée trois fois, jusqu’en 2011. Elle a été réintroduite en urgence le 1er juillet 2013, suite à un grand nombre d’installations de nouveaux médecins en cabinet. Alors qu’elle devait déployer ses effets jusqu’au 30 juin 2016, elle a été prolongée jusqu’au 30 juin 2019, puis à nouveau jusqu’au 30 juin 2021 (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie ; FF 2018 3264). Un outil illimité dans le temps est enfin entré en vigueur le 1er juillet 2021, permettant aux cantons de réguler l’offre de prestations de santé dans le domaine ambulatoire.

Conditions d’admission

Parallèlement à l’instauration de la nouvelle limitation des admissions (art. 55a LAMal), les conditions d’admission ont été renforcées. Ainsi, l’art. 37 LAMal, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2022, prévoit que les médecins doivent avoir travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade, dans le domaine de spécialité faisant l’objet de la demande d’admission à pratiquer à la charge de l’AOS. Cette exigence, soutenue notamment par la FMH et votée par les chambres fédérales, a ainsi remplacé la proposition du Conseil fédéral qui permettait de passer outre ces trois ans, en démontrant disposer des connaissances nécessaires du système de santé suisse. Ainsi, la condition dite des trois ans, constitue désormais un prérequis à toute admission. La question des nombres maximaux se pose dans un deuxième temps, une fois que le canton a pu vérifier que le médecin demandant à pouvoir être admis à pratiquer à la charge de l’AOS remplit toutes les conditions des art. 37 LAMal et 38 OAMal. Ainsi, l’exception qui permettait à un médecin de facturer ses prestations à la charge de l’AOS sans avoir effectué ces trois ans, s’il démontrait que par son installation il palliait aux besoins de la population dans sa spécialité et/ou dans sa région d’installation n’existe plus.

Ces modifications posent problème dans tous les cantons, puisqu’ils ne peuvent plus admettre les médecins ne remplissant pas la condition des trois ans, même si ces derniers souhaitent reprendre un cabinet ou s’installer dans une région où sévit une pénurie de médecins. Informée de cette problématique, la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a élaboré un projet d’acte le 20 mai 2022, qui permettrait d’exempter les médecins généralistes (spécialistes en médecine interne générale et médecins praticiens) et les pédiatres de l’obligation d’avoir effectué les trois ans, en cas de pénurie avérée. Sa commission sœur des États a adhéré à ce projet le 8 juin 2022 (https://www.parlament.ch/FR/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20220431). Affaire à suivre, donc.

Mise en œuvre de la limitation du nombre de médecins

S’agissant de la limitation des admissions, les cantons disposent d’un délai de deux ans, soit jusqu’au 30 juin 2023, pour adapter leurs réglementations. Ils doivent limiter, dans un ou plusieurs domaines de spécialité ou dans certaines régions le nombre de médecins fournissant des prestations ambulatoires à charge de l’AOS, en respectant les critères et principes méthodologiques précisés par le Conseil fédéral dans l’ordonnance sur les nombres maximaux (Commentaire de l’OFSP du 23 juin 2021 sur l’ordonnance sur la fixation de nombres maximaux de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires, page 3). Concrètement, le nombre maximal de médecins sera obtenu en divisant l’offre de prestations ambulatoires fournies par les médecins par le taux de couverture et en y appliquant, si nécessaire, un facteur de pondération. La détermination de l’offre et du facteur de pondération relèvent de la tâche des cantons, tandis que le taux de couverture est calculé par le Département fédéral de l’intérieur. L’offre est déterminée à partir du temps de travail effectué par les médecins, exprimé en équivalent plein temps (EPT). Quant au facteur de pondération, il est destiné à prendre en considération des circonstances qui n’ont pas été intégrées dans le calcul du taux de couverture, comme par exemple le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous chez le médecin ou l’âge moyen des médecins exerçant une certaine spécialité.

Le service de la santé publique, par l’Office des prestataires ambulatoires, est chargé d’élaborer la nouvelle règlementation cantonale. Pour ce faire, une collaboration avec les praticiens est essentielle, puisque ce sont eux qui sont au contact des patient-e-s et peuvent faire part de leur perception du terrain.

Conclusion

Alors que les cantons devaient respecter un système plutôt rigide pour l’admission des fournisseurs de prestations (quotas fixés par le Conseil fédéral dans l’Ordonnance sur la limitation de l’admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l’AOS ; OLAF), ils semblent désormais avoir entre les mains un modèle dynamique – puisque les nombres maximaux devront être réexaminés périodiquement et adaptés si nécessaire – qui prend davantage en considération leurs spécificités et les besoins de leur population.

Point de vue de Dominique Bünzli, président de la SNM

Voilà donc le successeur des moratoires : réguler les admissions avec des quotas par spécialités et par régions !

Dans les points positifs, notons :

  • une solution pérenne (non limitée dans le temps)
  • un pilotage des admissions niveau cantonal que l’on espère plus fin
  • une prise en compte de l’ambulatoire hospitalier
  • l’espoir que l’on puisse adapter l’offre aux besoins réels de la population sans utiliser des ressources LAMal pour des prestations superflues.

Dans les risques :

un grand navire administratif peu maniable avec des calculs savants élaborés dans des bureaux décalés de la réalité avec des effets négatifs sur le délai de prises en charge.

Afin d’éviter ce dernier point, il parait crucial d’écouter puis intégrer les retours de terrain et donc d’en faire un processus participatif ! La loi fédérale permet une concertation avec les sociétés médicales, en particulier, pour déterminer le facteur dit de pondération.

Dans le canton de Neuchâtel, la communication avec le Service Cantonal de la Santé Publique est bonne avec un dialogue constructif autour de ces problématiques. Ainsi, je vous encourage à collaborer pour le recensement cantonal à venir.