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Prof. Dr méd. Alex Soltermann | médecin directeur - Institut de Pathologie

Programme de dépistage du cancer colique BEJUNE – évaluation de l’histopathologie des polypes du côlon à l'Institut ADMED Pathologie Neuchâtel

Contexte

Le cancer colorectal représente le 4ème cancer le plus fréquent à l’échelle mondiale avec un taux d’incidence normalisé selon l’âge de 19.7 (par 100.000 personnes par année). En Suisse, ce taux d’incidence est encore plus élevé et atteint 45.4 chez les hommes et 29.5 chez les femmes. Malgré les progrès thérapeutiques atteints ces vingt dernières années, le cancer colorectal reste un cancer lié à une mortalité élevée avec un taux de survie à 5 ans en Suisse de 65.7%.

Programme de dépistage BEJUNE

Concernant le dépistage du cancer colique, l’Association Intercantonale BEJUNE (Berne, Jura et Neuchâtel) a reçu le mandat des cantons du Jura et de Neuchâtel, de gérer le programme de dépistage du cancer du côlon sur leur territoire. Le dépistage se fait de manière que le patient s’adresse aux pharmacies locales pour effectuer un test FIT (Fecal Immunochemical Test), qui est un test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles. En cas de résultat positif, le patient doit prendre contact avec un gastroentérologue qui va effectuer une endoscopie du côlon. Toutes les lésions polypoïdes ou suspectes sont réséquées et analysées chez ADMED Pathologie.

Macroscopie

Après fixation en formol, les polypes sont mesurés et décrits par la macroscopie et ensuite coupés en tranches de 4 mm, en axe longitudinal. Ici, nous présentons un cas typique où un adénocarcinome colique a été détecté par ce programme BEJUNE. Il s’agit d’un patient de 55 ans avec plusieurs polypes dans le côlon. Le côlon transverse et sigmoïde présentait des adénomes tubuleux et tubulo-villeux, donc des lésions précurseurs. Le côlon descendant montrait un polype de 15 mm de diamètre qui était classifié comme suivant :

Diagnostic

Adénocarcinome invasif colique moyennement différencié, en partie mucineux, avec pédicule large

  • infiltrant la sous-muqueuse sur une profondeur de 0,4 cm et une largeur de 0,5 cm
  • développé dans un adénome tubuleux avec dysplasie de bas et de haut degré
  • Pas d’invasion lympho-vasculaire
  • Bourgeonnement tumoral (selon ITBCC 2016) : Bd1 (bas)
  • Marge de résection profonde (pied) : distance du carcinome invasif 0,2 cm
  • Marge de résection muqueuse : négative.
  • Classification de Haggitt : level 3.
  • Classification de Kikuchi : SM3.

 

Classification TNM (selon UICC 8ème édition) : pT1 pNx G2 L0 V0 Pn0.

Marqueurs MSI : pas de perte nucléaire pour MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2.

Confirmation de malignité

Ce polype a une forme semi-pédiculée, c’est-à-dire un col relativement large (figure 1). On observe des glandes tumorales moyennement différenciées G2 sur fond d’adénome tubuleux avec dysplasie de haut degré à côté. Ces glandes dépassent la muscularis mucosae et infiltrent dans la sous-muqueuse (figure 2). Un tel dépassement est impératif pour affirmer le diagnostic d’un adénocarcinome invasif pT1, donc une immunohistochimie pour la protéine desmine, faisant partie de la muscularis mucosae, a été effectuée. La coloration Bleualcian-PAS souligne la croissance partielle mucineuse avec du mucus acide en bleu clair. pNx signifie qu’aucun ganglion lymphatique n'a été analysé étant donné qu'une coloscopie a été effectuée.

Infiltration en profondeur et infiltration lympho-vasculaire

La profondeur de l’infiltration tumorale dans le pédicule est décrite par la classification Haggitt : score 1 signifie infiltration de la tête du polype, 2 du col, 3 de la base du pédicule et 4 de la sous-muqueuse. Le polype ici, présente un pédicule large qui a été infiltré jusqu’à sa base. La classification de Kikuchi détaille la profondeur de l’infiltration tumorale dans la sous-muqueuse, score SM1 du tiers supérieur, SM2 du tiers moyen et SM3 du tiers profond. La tumeur arrive au contact des grands vaisseaux de la sous-muqueuse, donc le score SM3 lui a été attribué. La distance à la marge de résection profonde était à 0,2 cm. Concernant une éventuelle infiltration lympho-vasculaire, la tumeur comprime mais n’infiltre pas les vaisseaux lymphatiques sous-adjacents qui sont visualisés par un endothélium positif pour podoplanin, résultant à un score L0 V0. En plus, pas d’évidence d’engainement péri-nerveux (Pn0).

Tumor budding

Un tumor bud est défini comme amas < 5 cellules tumorales, qui est séparé de la masse tumorale principale à l’endroit de l’invasion tumorale dans le tissu sous-adjacent. Un haut degré de tumeur budding est nettement corrélé avec un mauvais pronostic. Dans le cas présent, les amas séparés contiennent > 5 cellules tumorales, donc un score Bd1 (bas) a été attribué.

Stabilité des microsatellites

Finalement, les quatre marqueurs de l’instabilité génomique des microsatellites, MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 ne montrent pas de perte nucléaire à l’immunohistochimie (figure 3), il s’agit donc d’un adénocarcinome microsatellite stable.

FIGURE 1 : Image HE du polype entier et image Bleualcian-PAS (periodic-acid schiff), montrant des glandes mucineuses dans la sous-muqueuse (flèche). Distance à la tranche de section encrée en noir (étoile) 0.2 cm (double flèche). Schémas des classifications Haggitt et Kikuchi.

Figure 2 : Infiltration de l’adénocarcinome invasif à travers de la musculaire muqueuse (flèche), souligné par l’immunohistochimie desmine. Présence des amas tumoraux détachés de la masse tumorale principale, composés de > 5 cellules tumorales, donc ne qualifiant pas pour tumeur buds (flèche). L'immunohistochimie Podoplanin montre une compression des vaisseaux lymphatiques sans infiltration (flèche).

Figure 3 : Marqueurs de stabilité des microsatellites MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2. Pas de perte nucléaire dans les noyaux tumoraux (flèche) ni dans les cellules du chorion comme par exemple des fibroblastes (étoile).