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Dr Stéphane Saillant | médecin-chef du département de psychiatrie générale et liaison, CNP
Dr Vincent Della Santa | médecin-chef du département des urgences, RHNe

Urgences et filière CUP

Dans le contexte de la réforme de la psychiatrie neuchâteloise en 2009, le Centre Neuchâtelois de Psychiatrie a notamment reçu le mandat de mettre sur pied des urgences psychiatriques. Le centre d’urgences psychiatriques (CUP) est né en juin 2012, en intégrant des locaux à proximité directe du département des urgences du site de Pourtalès. Le CUP des Montagnes a vu le jour en juillet 2013, venant compléter le dispositif d’accueil des urgences psychiatriques dans le canton de Neuchâtel. Depuis sa création, l’activité du CUP n’a cessé d’augmenter, passant de 2700 consultations par année en 2012 à plus de 15'000 consultations en 2020. La synergie entre le CUP et le département des urgences est rapidement devenue une nécessité, notamment devant certains tableaux cliniques nécessitant une prise en charge conjointe urgente.

Ci-dessous, nous avons choisi de détailler deux prestations de soins qui illustrent la collaboration étroite existante entre le département des urgences et le centre d’urgences psychiatriques.

Code blanc : gestion de l’agitation 

L’agitation psychomotrice représente un tableau clinique vital, nécessitant une prise en charge immédiate adéquate. Malheureusement, la standardisation d’une telle prise en charge est encore largement minoritaire, certaines études faisant mention de l’existence d’une telle procédure dans seulement 6% des hôpitaux[1]. Depuis l’avènement de l’échelle suisse de tri (EST)[2], l’agitation psychomotrice est devenue une urgence de degré 1, situation à prendre en charge de manière immédiate, à l’instar d’un arrêt cardio-respiratoire ou un polytraumatisme. L’agitation psychomotrice est un défi pour les urgentistes car elle tend d’une part à déstabiliser l’organisation des urgences et d’autre part à angoisser les équipes médico-soignantes qui très souvent se sentent incompétentes à prendre en charge cette problématique.

Il nous a semblé donc rapidement évident qu’une prise en charge conjointe somato-psychiatrique systématique et protocolée était nécessaire (cf figure 1). Le principe d’une standardisation part également du principe que l’étiologie de l’agitation n’est pas un facteur qui influence les soignants qui en ont la charge, car la responsabilité est conjointe dès l’arrivée du patient aux urgences. Nous avons instauré un code blanc (à l’instar du code rouge pour les urgences vitales chirurgicales, du code bleu, pour les urgences vitales médicales et du code jaune pour la filière AVC), qui décrit précisément la marche à suivre dans de telles situations cliniques. Non seulement le rôle précis des différents intervenants y est régi mais également les molécules adéquates qui doivent être prescrites en fonction des différentes présentations cliniques. Le code blanc est obligatoirement pris en charge dans un box de déchoquage des urgences, afin de garantir une prise en charge optimale et permettre le cas échéant une intervention somatique rapide en cas de péjoration des signes vitaux. Une fois l’agitation traitée (y compris injection intramusculaire effectuée), une surveillance de 30 minutes est nécessaire avant tout départ du patient vers un autre lieu de soins si nécessaire.

Il est impératif que la répartition des rôles entre urgentistes somaticiens et psychiatriques soit clarifiée de manière précise afin que l’organisation des soins durant le code blanc se déroule au mieux. Les tableaux ci-dessous expliquent d’une part les principes du code blanc ainsi que les rôles de chacun.

Principes du protocole « code blanc »

  • Responsabilité mixte somatique et psychiatrique (médecin urgentiste trieur et médecin psychiatre)

  • Alerte immédiate donnée aux infirmiers de tri somatique et psychiatrique
  • La prise en charge du patient agité se fait au sein d’un box des urgences somatiques
  • Libération immédiate d’un box de déchoquage
  • Uniformatisation de la médication grâce au protocole
  • Surveillance minimale de 30 minutes post-injection d’un traitement par l'équipe des urgences somatiques

Répartition des rôles durant le code blanc

  • Équipe médico-soignante somatique

  • Matériel surveillance cardio-respiratoire
  • Préparation de l’injection
  • Réalisation de l’injection
  • Préparation du matériel de contention
  • Surveillance somatique
  • Équipe médico-soignante psychiatrique
  • Contenance relationnelle avec le patient
  • Discussion avec le patient
  • Interface avec les proches du patient
  • Contacts avec la psychiatrie

Après étude des résultats obtenus avec l’introduction de ce protocole, nous avons constaté une diminution du temps de prise en charge des patients agités, une baisse de la durée de séjour aux urgences ainsi qu’une diminution du nombre d’hospitalisations en milieu psychiatrique suite à l’épisode d’agitation. De plus, le personnel médico-soignant se sent nettement plus sécurisé et confiant dans la prise en charge des patients agités[3].

CUP-SMUR

Afin d’agir de manière plus efficiente dans des situations psychiatriques décompensées pré-hospitalières, nous avons mis sur pied une collaboration inédite entre le Service Mobile d’Urgences et Réanimation (SMUR) et le CUP, enregistrée dans le « catalogue de modèles de bonne pratique – interprofessionnalité » de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP)[4]. Cette prestation de soins consiste en l’intégration d’un infirmier du CUP au sein de l’équipage du SMUR. Cette prestation est activée par la centrale d’appel 144 en fonction de critères d’engagement prédéfinis (notamment agitation sur la voie publique, tentative de suicide, refus de soins, décompensation psychiatrique majeure). Ce dispositif permet non seulement d’apporter une plus-value clinique aux situations prises en charge par le SMUR, mais il permet également de renforcer la collaboration pluridisciplinaire entre les différents corps de métier, permettant notamment aux infirmiers du CUP de se concentrer sur l’aspect relationnel de la prise en charge. Dans certaines situations, ce dispositif permet même un accès direct et simplifié à une hospitalisation en milieu psychiatrique.

Complémentarité

L’intérêt de l’intégration d’urgentistes en psychiatrie au sein des urgences somatiques n’est plus à démontrer tant les plus-values sont nombreuses. Une communication régulière et adéquate, une transparence dans les processus et une constante réflexion et remise en question sur le dispositif en place, sont les ingrédients indispensables de la réussite de la complémentarité dans ce domaine. Le nombre de consultations aux urgences, somatiques ou psychiatriques, suivent une constante progression et représente donc un défi permanent pour maintenir la qualité des soins au meilleur niveau possible.

Figure 1 : algorithme de prise en charge de l’agitation psychomotrice (RHNe-CNP)

[1] Currier GW, Allen MH. Emergency psychiatry: physical and chemical restraint in the psychiatric emergency service. Psychiatr Serv. 2000;51(6):717–9. doi:https://doi.org/10.1176/appi.ps.51.6.717.

[2] Rutschmann OT, Sieber RS, Hugli OW. Recommandations de la Société Suisse de Médecine d’Urgence et de Sauvetage pour le triage dans les services d’urgences hospitaliers en Suisse. Bulletin des médecins suisses. 2009;90(46):1789–90. doi:https://doi.org/10.4414/bms.2009.14760.

[3] Saillant S, Della Santa V, Golay P, Amirat M. A mixed somatic-­psychiatric protocol for managing psychomotor agitation in the ED : The Code White protocol. Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2018;169(04):121-126

[4] Catalogue de modèles de bonne pratique – interprofessionnalité (admin.ch)