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Dre Romina Capoccia Brugger médecin-cheffe du service d’obstétrique RHNE, FMH gynécologie-obstétrique, médecine foeto-maternelle

Vaccinations recommandées pendant la grossesse

La vaccination pendant la grossesse est particulièrement intéressante en raison de son double effet protecteur, maternel et néonatal. En effet la production d’anticorps maternels protège non seulement la mère, mais également les nouveau-nés par passage transplacentaire de ces anticorps. L’efficacité de cette stratégie a été prouvée par la diminution significative du tétanos néonatal au niveau mondial depuis les années 1990. Des données plus récentes montrent que la protection contre la grippe et la coqueluche a été améliorée elle aussi par l’introduction de la vaccination. Actuellement, 2 vaccins sont recommandés en Suisse pendant la grossesse. La vaccination contre la grippe saisonnière, quel que soit le terme de la grossesse et contre la coqueluche, idéalement entre 28 et 32 semaines d’aménorrhée. Quant à la vaccination contre le COVID-19, les données actuelles pendant la grossesse sont très limitées, mais selon la situation elle peut être recommandée.

Grippe saisonnière :

Risques pour la mère, le foetus et le nouveau-né

L’augmentation de la morbidité et de la mortalité liées à la grippe durant la grossesse a déjà été mise en évidence au début du 20ème siècle. Dans cette population, une atteinte cardiorespiratoire est rencontrée 2 à 3 fois plus souvent que dans une population non enceinte. La grippe peut aussi être responsable de complications chez le fœtus ou le nouveau-né telle la prématurité, les retards de croissance intra-utérins ou un taux d’hospitalisation augmenté les 6 premiers mois de vie.

Avantages de la vaccination de la femme enceinte contre la grippe saisonnière :

Une dose du vaccin contre la grippe saisonnière pendant la grossesse entraîne une séroconversion et une séroprotection maternelle suffisante avec une diminution de grippe confirmée de 50-60%. Elle permet aussi une atténuation de la maladie maternelle avec une diminution de près de 36% des atteintes respiratoires. La diminution de certaines issues obstétricales défavorables a été démontrée également, que ce soit les abortus spontanés, les morts in utero, la prématurité, les morts néonatales et les petits poids de naissance. Elle permet aussi chez les nouveau-nés de diminuer les syndromes grippaux de 70% avec une diminution de 92% des hospitalisations dans ce cadre-là. Les atteintes respiratoires infectieuses diminuent de 29% les six premiers mois de vie.

Sécurité de la vaccination contre la grippe saisonnière pendant la grossesse :

Les femmes enceintes ne présentent pas plus d’effets secondaires locaux ou systémiques que la femme non enceinte. Le vaccin n’augmente pas les complications de grossesse, ni de risques pour le bien-être fœtal.

Les vaccins inactivés trivalents et tétravalents sont autorisés pendant la grossesse.

Le vaccin doit être administré avant le début de l’épidémie, quel que soit le terme de la grossesse, un rattrapage est recommandé jusqu’à la fin de l’épidémie.

Coqueluche :

Risques pour la femme enceinte, le fœtus et le nouveau-né :

Les femmes enceintes n’ont pas plus de risque de développer une infection sévère que les adultes en dehors de la grossesse et il n’a pas été décrit de complication fœtale ou obstétricale suite à une infection à Bordetella pertussis. Cependant, les adultes sont une source infectieuse importante de la maladie pour les nourrissons dont le taux de morbidité et de mortalité est élevé.

Avantages de la vaccination de la femme enceinte contre la coqueluche :

La protection contre la coqueluche après vaccination dure au maximum dix ans. Le schéma de vaccination débute à 2 mois de vie, avec un premier rappel à 4 mois, moment où la protection débute réellement. Or les complications sévères surviennent pendant les deux à trois premiers mois de vie. L’administration du vaccin contre la coqueluche pendant la grossesse permet par passage transplacentaire des anticorps d’atteindre un taux de protection de 90% du nouveau-né. La vaccination doit être répétée chaque grossesse puisque le taux d’anticorps diminue rapidement ensuite et ne peut plus assurer une protection suffisante.

Sécurité de la vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse :

Aucun effet néfaste sur le développement du fœtus ou sur le déroulement de la grossesse n’a été mis en évidence. Quant aux effets secondaires locaux et généraux chez la mère, ils ne diffèrent pas des effets chez les femmes non enceintes. Le vaccin utilisé est le vaccin combiné contre le tétanos, la diphtérie et la coqueluche. Les doses répétées de ce vaccin combiné n’ont pas montré d’effet secondaires chez la mère ou l’enfant.

Le vaccin doit idéalement être administré entre 26 et 32 SA pour que le taux d’anticorps qui traverse la barrière placentaire soit idéal. Un rattrapage peut être fait par la suite, mais au plus tard 2 semaines avant l’accouchement. Si une patiente n’a pas été vaccinée, une injection en postpartum doit être réalisée pour éviter le risque de transmission de la coqueluche au nouveau-né par la mère. Il est également recommandé de vacciner toutes les personnes en contact étroit avec le nouveau-né s’ils n’ont pas reçu le vaccin dans les dix ans.

En ce qui concerne les autres maladies évitables par un vaccin vivant atténué, comme la rougeole, la rubéole, la varicelle, ces vaccins devraient être administrés avant la conception. Bien qu’aucun effet négatif n’ait été mis en évidence suite à une telle vaccination accidentelle lors d’une grossesse. Dans tous les autres cas, un complément de vaccination doit être envisagé en postpartum. En effet, ces vaccins sont contre-indiqués pendant la grossesse, mais les conséquences d’une telle infection chez une patiente non immune lors de la grossesse peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé maternelle et fœtale.

Les vaccins recommandés pendant la grossesse sont actuellement soumis à la franchise et à la quote-part de 10%

Coronavirus :

Les femmes enceintes sont habituellement exclues des études cliniques concernant les nouveaux traitements et vaccins comme c’est le cas pour le vaccin contre le COVID-19.  Cependant, il est de plus en plus reconnu que l’inclusion des femmes enceintes ou allaitantes est essentielle sauf si des raisons scientifiques claires justifient leur exclusion. En ce qui concerne le vaccin contre le COVID-19, la FDA a demandé que les compagnies pharmaceutiques conduisent des analyses tératologiques sur des animaux avant d’inclure les femmes enceintes ou les femmes ou sans contraception. Ces études animales ont été terminées pour certains des vaccins, sans conséquences tératogènes, c’est pourquoi des études peuvent commencer à inclure des femmes enceintes dès janvier 2021. 

En novembre 2020, Pfizer rapporte 23 femmes enceintes incluses par inadvertance, dont 12 dans le groupe vaccin, quant à Moderna, il rapporte 13 femmes enceintes, dont 6 dans le groupe vaccin. Les 18 femmes sont actuellement encore enceintes.

Il n’existe jusqu’à présent pas d’autre exposition connue de femmes enceintes à un vaccin à ARNm. Les femmes enceintes n’ont pas plus de risque théorique de présenter d’autres effets secondaires ou complications que les femmes adultes non enceintes. Il faut cependant noter qu’un état fébrile au premier trimestre peut être associé à une légère augmentation du risque de malformation fœtale. C’est pourquoi ce vaccin ne devrait a priori pas être administré avant le 2ème trimestre. Il est par ailleurs peu vraisemblable que le vaccin de ce type atteigne et traverse la barrière placentaire.

Pour informer de manière complète les femmes enceintes, il faut également tenir compte du risque lié au COVID-19 pendant la grossesse, les risques de complications respiratoires, d’hospitalisation aux soins intensifs, de ventilation invasive, d’oxygénation extracorporelle, d’accouchement prématuré. Ainsi que l’augmentation de ce risque en fonction des comorbidités.

Dans ce contexte et malgré les données très limitées disponibles, plusieurs organisations professionnelles comme l’ACOG (American College of Obstetricians and Gynecologists) ou la SMFM (Society for Maternal Fetal Medicine) recommandent d’envisager la possibilité de vacciner les femmes enceintes en fonction de leurs facteurs de risque d’exposition et leurs comorbidités dès le deuxième trimestre. Quant à la SSGO (société suisse de gynécologie et obstétrique), elle s’est prononcée très récemment en faveur d’une vaccination des femmes enceintes à haut risque uniquement, lors du deuxième ou du troisième trimestre. Ceci bien qu’il n’existe pas encore de données cliniques attestant de la sécurité de ces vaccins dans cette population. Un entretien d’information doit être mené par un spécialiste en gynécologie-obstétrique et un formulaire de consentement doit ensuite être signé par la patiente. Un recueil des éventuels effets secondaires sur la mère ou l’enfant est indispensable.


Conclusion :

La vaccination est un moyen efficace de diminuer la morbidité et la mortalité maternelle et fœtale pour diverses maladies évitables. Il est donc impératif que les femmes en âge de procréer aient une couverture vaccinale optimale avant d’envisager une grossesse. Il est également nécessaire de les informer suffisamment tôt et de manière exhaustive des avantages de certaines vaccinations recommandées pendant la grossesse.

Références :

  1. Moniz et al ; Vaccination during pregnancy ; Obstetrical and Gynecological Survey 2016 ; Volume 71; Number 3
  2. Berger C, et al ; Vaccination contre la grippe saisonnière et la coqueluche pendant la grossesse ; Lettre d’experts de la SSGO
  3. Fortner et al. Infections in Pregnancy and the Role of Vaccines. Obstet Gynecol Clin Am 2018 ; 369-388
  4. Yuen C et al. A comprehensive review of Influenza and Influenza vaccination during pregnancy ; Journal of perinatal and neonatal nursing 2014 ; v.28 n.4, 261-270
  5. Zaman K. et al. Effectiveness of maternal influenza immunization in mothers and infants. N Engl J Med 2008 ; 359(15) :1555-64.
  6. Rasmussen S et al. Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Vaccines and Pregnancy: What Obstetricians Need to Know. Obstet Gynecol 2020; Dec 23
  7. Whitehead C. et al. Consider pregnancy in COVID-19 therapeutic drug and vaccine trials.

 Lancet 2020; May 23; 395

  1. Dashraath P. et al. COVID-19 vaccines and neglected pregnancy. Lancet 2020; Sep 5; 396
  2. Dashraath P. et al. Coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic and pregnancy.

Am J Obstet Gynecol 2020; Jun; 222(6):521-531