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Dr Pierre Landry Cabinet médical, Place Pury 9, 2000 Neuchâtel

Vaccination : des principes de l’immunité à l’injection selon le plan de vaccination suisse

Covid 19 aidant, le thème de la vaccination revient à la mode. C’est l’occasion de rappeler ce qu’est une vaccination, comment elle fonctionne et comment elle est mise en oeuvre en Suisse.

Selon l’OMS un vaccin est une préparation administrée pour provoquer l’immunité contre une maladie en stimulant la production d’anticorps. On trouve dans les vaccins des suspensions de micro-organismes inactivés ou atténués, ou des produits ou dérivés de micro-organismes.

Bref rappel immunologique

De manière très simplifiée, l’immunité telle qu’elle concerne la vaccination peut être décrite en deux grandes voies, humorale et cellulaire.

L’antigène injecté stimule directement les lymphocytes B dans les ganglions, qui se transformant en plasmocytes, produisent des anticorps spécifiques qui bloquent l’antigène (immunité humorale). En même temps l’antigène est présenté à des lymphocytes T par des cellules présentatrices d’antigènes (par exemple des cellules dendritiques) qui activent ces lymphocytes et les poussent à se transformer en lymphocytes T cytotoxiques (CD8+) qui détruisent les cellules infectées (immunité cellulaire), et en lymphocytes T auxiliaires (CD4+) ou T helper cells, qui stimulent les lymphocytes B à produire des anticorps en grande quantité et à développer des cellules mémoires qui iront se stocker dans la moelle.

Schéma : ¹ service santé et services sociaux Québec

Les lymphocytes T se différencient en Th1, Th2 et Threg. L’équilibre entre Th1 et Th2 est réglé par les cellules dendritiques et les interleukines qu’elles sécrètent en fonction des pathogènes rencontrés (surtout IL12 , INF gamma et INF alpha pour Th1 et surtout IL4 pour Th2). Ces lymphocytes Th1 vont à leur tour entrer en action surtout sur les germes intracellulaires (immunité cellulaire, lymphocytes B mémoire) et les Th2 surtout contre les pathogènes extracellulaires (immunité humorale) par stimulation de la production d’anticorps par les plasmocytes.

Différents types de vaccins

Il existe des vaccins dit vivants, composés d’un pathogène dans son entier, mais attenué (= rendu inoffensif), sans adjuvant, car leur capacité de réplication est conservée, et pour lesquels une à deux doses, généralement données par voie sous cutanée, sont suffisantes pour une très longue protection (ex : vaccins contre l’herpes zoster (varicelle ou zona), la rougeole, la rubéole, les oreillons et la fièvre jaune).

Les vaccins inactivés se composent d’éléments antigéniques (allant d’une protéine unique à des virus entiers selon les vaccins) avec divers systèmes de présentation d’antigènes (adjuvant, conjugaison à une protéine, polysaccharides, mRNA, couplement à un autre virus vecteur…). Ces systèmes sont nécessaires pour provoquer une bonne réponse immune. Les injections se font par la voie intramusculaire et sont généralement multiples sur le principe d’une vaccination de base suivie d’un booster.

Chaque vaccin a une action spécifique sur les cellules immunes et la durée de protection varie. Le tableau-ci-dessous résume la durée d’immunité et la nécessité de rappel pour les vaccins enregistrés en Suisse.

Durée immunité des vaccins enregistrés en CH (une fois la vaccination de base terminée) : les couleurs se réfèrent au niveau de recommandation du Plan de vaccination Suisse, voir plus loin).

La protection peut-être strictement individuelle (par exemple un vaccin anti tétanique ne protège que la personne vaccinée), ou individuelle et de groupe (soit la personne vaccinée ne peut pas transmettre la maladie, soit le grand nombre de vaccinés empêche le virus pathogène de trouver des hôtes non immuns et donc de circuler). Le pourcentage de gens qu’il faut vacciner pour empêcher la circulation dépend du Ro de la maladie (Ro= nombre reproducteur = nombre de personnes non immunes infectées par 1 individu malade : par exemple 1.5 pour grippe, 2-3 pour le covid19 et 9-15 pour la rougeole), selon la formule : P= (1-1/Ro). Dans l’exemple de la rougeole il faut vacciner 93% de la population pour éviter la transmission. Ce chiffre est encore à pondérer par l’efficacité du vaccin (P= (1-1/Ro)/E où E correspond à l’efficacité du vaccin (=1 pour 100% d’efficacité)). Une maladie ne peut être éradiquée que si elle ne persiste pas dans un réservoir animal ou environnemental.

Pour rappels. La variole a été éradiquée, grâce à la vaccination généralisée, la poliomyélite est en passe de l’être, l’hépatite B et la rougeole pour ne prendre que ces exemples, pourraient l’être si le même effort était mis à vacciner contre ces maladies.

Le Plan de vaccination suisse³ est construit par étages (= niveaux de recommandation).

Ce sont les données scientifiques de chaque vaccin (mécanismes, efficacité, schémas selon l’âge, doses de base, rappels, durées de protection, tolérance…), les données épidémiologiques et de santé publique (fréquence de la maladie, populations atteintes, gravité de la maladie, fardeau de la maladie, immunité naturelle…*), ainsi que des données pratiques (accessibilité, coût/bénéfice, équité, acceptabilité, faisabilité…) qui permettent à la Commission fédérale pour les vaccinations, selon un cadre analytique prédéfini², de proposer un plan de vaccination à l’Office Fédéral de la Santé Publique.

On distingue donc 4 niveaux de recommandation :

  • Les vaccins de base doivent faire l’objet d’une recommandation par les médecins en raison du caractère de protection individuelle et de groupe qu’ils confèrent (rôle de santé publique).
  • Les vaccins complémentaires doivent faire l’objet d’une information par les médecins (rôle de protection individuelle optimale.
  • Les vaccins pour des personnes /situations à risque sont à proposer aux personnes concernées.
  • Les vaccins sans recommandation (manque de données, rapport coût/bénéfice défavorable…)

Un groupe à risque / une situation à risque sont définis comme présentant un risque accru par rapport à la population générale. On distingue les risques accrus de complications, d’infections invasives, d’exposition ou de transmission. Toutes les vaccinations recommandées de base et complémentaires du Plan de vaccination suisse sont également à prendre en considération pour les personnes à risque. Cela concerne par exemple les voyageurs, mais aussi les femmes enceintes, ou certaines professions, ou les personnes souffrant de maladies particulières qui les mettent à risque (par exemple risque de pneumococcémie en cas d’asplénie)

Ce plan est remis à jour chaque année et accessible sous : www.bag.admin.ch/bag/fr/home/gesund-leben/gesundheitsfoerderung-und-praevention/impfungen-prophylaxe/schweizerischer-impfplan.html

Il définit en détails les catégories précitées, ainsi que les schémas de rattrapage en cas de vaccinations manquées et les situations particulières. C’est le document de référence en Suisse pour la vaccination et devrait être à portée de main de tout vaccinateur. Le Plan de vaccination suisse 2021 n’est pas encore publié mais ne présente aucun changement important. Un nouveau vaccin contre le méningocoque B a été enregistré par Swissmedic, mais n’a pas encore fait l’objet d’une analyse et recommandation par la CFV ou l’OFSP.

Rôle des médecins :

Le rôle des pédiatres, des médecins généralistes et des spécialités qui s’occupent de personnes vulnérables est primordial et double : 1) Promouvoir les vaccinations pour la protection directe de leurs patients à risque. 2) Promouvoir les vaccinations pour les bénéfices en termes de santé publique (contrôle des maladies, lutte contre la transmission et les épidémies). La pandémie actuelle nous le rappelle que trop bien !

Références :

  1. www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/vaccination/piq-immunologie-de-la-vaccination/fonctionnement-du-systeme-immunitaire/
  2. www.bag.admin.ch/bag/fr/home/das-bag/organisation/ausserparlamentarische-kommissionen/eidgenoessische-kommission-fuer-impffragen-ekif/impfempfehlungen/analyserahmen.html
  3. www.bag.admin.ch/bag/fr/home/gesund-leben/gesundheitsfoerderung-und-praevention/impfungen-prophylaxe/schweizerischer-impfplan.html