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Dr Grégory Clark, La Chaux-de-Fonds

Maladies respiratoires chroniques et COVID 19

Le coronavirus disease 2019 (COVID-19), induit par un nouveau coronavirus (SARS-CoV-2) est une maladie respiratoire aiguë qui peut se manifester par une forme légère, mais également conduire à une insuffisance respiratoire sévère potentiellement mortelle. Le but de ce texte est surtout de traiter la problématique d’un point de vue du cabinet médical pour des pathologies respiratoires fréquentes. La problématique des formes sévères nécessitant une hospitalisation ne sera pas abordée.

De façon générale, il est important d’identifier les patients à risque d’évolution grave, de décider de la poursuite ou de l’adaptation du traitement durant la pandémie, et notamment en cas de COVID-19. Les formes graves sont souvent liées à des facteurs de vulnérabilité touchant plusieurs systèmes, dont le système respiratoire. Ces facteurs ont été précisés au fil de l’évolution de l’épidémie. La Société Suisse de Pneumologie a publié une liste des situations respiratoires à risque le 18.03.2020. Cette liste a été officialisée dans l’annexe 6 de l’ordonnance 2 COVID-19 du Conseil Fédéral le 16.04.2020 et modifiée le 12.05.2020 (Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19))

Tableau 1 : maladies respiratoires chroniques à risque d'évolution sévère adapté de l’Annexe 6 version du 12.05.2020.

Asthme /BPCO et COVID-19

Étant donné la prévalence élevée de l’asthme (7%) et de la BPCO (8% chez les plus de 70 ans) dans la population générale suisse et dans le monde, de nombreux patients avec asthme ou BPCO ont été et/ou seront infectés par le SARS-CoV-2. De manière générale, et selon les données actuellement disponibles, les patients asthmatiques ou souffrant de BPCO n’étaient pas surreprésentés, mais au contraire plutôt sous-représentés parmi les cas nécessitant une hospitalisation en Asie (Zou, 2020) (Zhang, 2020) (Halpin, 2020)(1.9-5.4% des patients), ou en Italie (Giacomo, 2020). Par contre, les patients asthmatiques/BPCO  étaient présents de manière plus importante et probablement plus réaliste au Royaume-Uni (14%/ 19%, 5e /3e comorbidité en ordre de fréquence) (Docherty, 2020).

Cette potentielle sous-représentation dans certains pays pourrait être surtout liée à une mauvaise documentation des pathologies respiratoires chroniques dans les études à disposition. Certains auteurs ont émis l’hypothèse d’un facteur protecteur des maladies respiratoires chroniques contre le COVID, même si cela semble peu probable vu la mortalité clairement augmentée chez les patients avec maladies respiratoires obstructives chroniques hospitalisés avec COVID (Alqahtani, 2020). Enfin, il a été supposé par le biais d’étude de faible évidence que les traitements inhalés pouvaient potentiellement réduire le risque d’infection ou le développement des symptômes (Halpin, 2020) et en particulier les corticostéroïdes inhalés (CSI) (Iwabuchi, 2020).

Le SARS-CoV-2 pénètre notamment dans les pneumocytes par le biais de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) présente à la surface cellulaire. Une étude a démontré que l’expression du gène de ACE2 dans les expectorations n’est pas augmenté chez les patients asthmatiques par rapport à une population normale, contrairement par exemple, au récepteur cellulaire des rhinovirus (ICAM-1). Par contre, il a été démontré que les CSI, contrairement au corticostéroïdes systémiques, diminuaient de façon dose dépendante l’expression de ACE2 dans les expectorations chez les patients asthmatiques (Maes, 2020).

L’expression de ACE2 pourrait par contre être augmentée chez les patients fumeurs avec BPCO.

En ce qui concerne le traitement, les sociétés savantes s’accordent sur le fait que les principes de prise en charge de l’asthme et de la BPCO ne changent pas durant cette pandémie. Les traitements inhalés doivent être maintenus et les CSI poursuivis. Il en est de même pour une corticothérapie systémique prescrite au long cours dans un asthme sévère par exemple. La prise en charge d’une exacerbation asthmatique ou de BPCO reste la même y compris en ce qui concerne l’utilisation de la corticothérapie systémique, même en cas de suspicion de COVID-19 associée (prednisone 50 mg 1x/ jours sur 5 jours pour une crise d’asthme modérée à sévère et prednisone 40 mg 1x/ jours sur 5 jours pour une exacerbation de BPCO modérée à sévère) (BTS, 2020) (GINA, 2020) (GOLD, 2020) (Deslée, 2020). Les détails de prise en charge d’une exacerbation asthmatique ou d’une BPCO modérée ou sévère dépasse le but de cet article.

Il est clair qu’en cas de suspicion d’infection à SARS-CoV-2, un frottis doit être demandé et les mesures d’isolement doivent être prises. Le seuil d’hospitalisation doit être bas. En cas d’hypoxémie sévère, il est important de rechercher agressivement une embolie pulmonaire.

En ce qui concerne les techniques d’inhalations, certaines sociétés spécialisées recommandent de ne pas utiliser de traitements inhalés en nébulisation en cas de COVID-19 vu le risque d’aérosolisation virale (Prella, 2020) (Dubus, 2020). Cet élément est cependant fortement débattu et considéré comme nul notamment par la British Thoracic Society. Il faudrait favoriser l’utilisation de aérosol-doseur avec chambre d’inhalation ou d’inhalateur à poudre en cas de COVID-19. Si l’utilisation d’appareil de nébulisation est indispensable, il faut veiller à mettre un filtre sur la portion expiratoire et bien aérer la pièce après utilisation. Des conseils sur l’adaptation du matériel peuvent être obtenus auprès des ligues pulmonaires de chaque canton respectif ou du spécialiste en charge.

Patients sous assistance respiratoire

Les patients nécessitant une ventilation non invasive (BPCO, pathologie neuromusculaire, syndrome d’hypoventilation/obésité, pathologies restrictives, etc) sont considérés comme vulnérables pour un COVID-19 sévère contrairement aux patients souffrant de syndrome d’apnées obstructives du sommeil en l’absence de comorbidités signalées dans l’ordonnance 6. L’utilisation d’une ventilation non-invasive ou d’un CPAP dans un contexte de COVID-19 présente un risque d’aérosolisation virale. Si la situation médicale du patient le permet, la SSP recommande d’arrêter le traitement. Ce dernier pourra être repris après deux jours sans symptômes et au minimum 10 jours après le début des symptômes. Si le traitement doit être poursuivi, il est possible de placer des filtres sur l’appareil et d’éventuellement adapter le masque. L’élément le plus important reste cependant un isolement strict dans une chambre seule.

COVID-19 et tabac

L’effet du tabac en cas de COVID est débattu.  Cependant, de nombreuses études ont montré que le tabagisme augmentait le risque de complications sévères (1.25 -1.45 fois plus marqué chez les fumeurs) (Alqahtani, 2020) (Zyl-Smit, 2020). Ceci pourrait être lié à une augmentation de l’expression de ACE2. Des données françaises ont suggéré un effet protecteur du tabagisme, mais ces données n’ont pas été confirmées (Zyl-Smit, 2020). L’arrêt du tabac reste donc une priorité.

Maladies interstitielles et COVID-19

Ces patients sont également considérés comme vulnérables. L’utilisation d’immunosuppresseurs est courante dans ce type de pathologie respiratoire et il est important dans le cadre de cette pandémie d’adapter les doses immunosuppressives les plus basses possible si l’état du patient le permet. Vu leur rareté, il n’y pas de données concernant l’impact du COVID-19 dans ce cadre. La prise en charge doit donc être adaptée au coup par coup. La distinction d’une poussée de fibrose par rapport à un COVID-19 sur une fibrose sous-jacente est difficile puisque la sémiologie clinique et radiologique peut être similaire. Il est impératif de garder un seuil de suspicion bas et de réaliser une PCR au moindre doute avant le geste. En cas de bronchoscopie, il est impératif de prendre toutes les mesures nécessaires pour la protection du personnel et de réaliser une PCR un à deux jours avant la procédure si possible. (Wong, 2020).

Séquelles respiratoires liées au COVID-19

En cas de COVID-19, la réalisation de fonctions pulmonaires est fortement déconseillée en raison du risque d’aérosolisation virale et d’infection du personnel soignant. Il n’y a donc pas de données sur les altérations fonctionnelles ou radiologiques éventuellement persistantes après un COVID-19. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les conséquences au long cours chez les survivants d’un COVID-19 sévère, mais il n’est pas exclu au vu de l’importance de l’atteinte pulmonaire chez certains patients que des altérations importantes persistent (Spagnolo, 2020).

Conclusion

Globalement, les maladies respiratoires chroniques induisent une vulnérabilité pour des formes sévères de COVID-19. Les patients doivent donc suivre les mesures de protection de manière scrupuleuse. Il est important notamment que l’asthme et le BPCO soient traités de manière optimale selon les recommandations actuelles, y compris avec des CSI. Les exacerbations doivent être traitées rapidement et notamment par une corticothérapie systémique si indiquée, y compris en cas de suspicion de COVID-19 associée. Le traitement par appareillage respiratoire doit possiblement être adapté en cas de COVID-19 (VNI, CPAP, nébulisation). Il est possible que l’on soit confronté à des patients souffrant de séquelles respiratoires prolongées suite à une forme de COVID-19 sévère.

Bibliographie

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BTS. (2020, 93 26). Advice for Healthcare Professionals Treating People with Asthma (adults) in relation to COVID-19.

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