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Christian Fuligno-Schmidt*, Christopher Richard**, Jérôme Kübler***, Vincent Della Santa**
*Infirmier anesthésiste, RHNe | **Médecins urgentistes, RHNe | ***Directeur logistique, RHNe, ingénieur en environnement

Actions et réflexions autour de la transition écologique au RHNe

Une désagréable dissonance cognitive résonne quand on apprend, en s’intéressant un peu aux liens entre santé et environnement, que notre système de soins en Suisse détermine seulement environ 10% de la santé de la population - les autres 90% étant déterminés par l’environnement (justement !), les habitudes de vie et la biologie[1] - et que pour procurer ces soins, les systèmes de santé dans le monde causent en tous cas 5 % des impacts environnements globaux[2], l’équivalent de l’aviation civile… Quand on se souvient du principe éthique fondamental de non-malfaisance, on peut commencer à se questionner sur le bien fondé de notre pratique, en particulier hospitalière, compte-tenu de la part significative de la pollution produite par nos lieux de travail. Ce texte décrit les actions passées, présentes et futures réalisées au RHNe dans le contexte de ce paradoxe…

Fin 2017, trois infirmiers anesthésistes motivés proposent à leur hiérarchie puis au niveau institutionnel la constitution d’un groupe « développement durable » afin de réfléchir en particulier à la gestion des déchets, à la consommation d’eau et d’électricité, le bloc opératoire leur semblant représentatif d’une consommation outrancière en milieu hospitalier.

Durant l’année 2018 ce petit groupe prend souvent sur son temps personnel pour contacter des entreprises de recyclage, de gestion de l’eau, contacter et voir des responsables du développement durable dans d’autres hôpitaux. Des présentations et propositions auprès de leur hiérarchie abouti, courant 2019, au lancement officiel d’un groupe de projet « management durable » qui se lance dans un travail d’analyse des pratiques institutionnelles et parallèlement dans le lancement de projets concrets comme la gestion des parcs informatiques, le flux des déchets, la mise en place d’un plan de communication. Début 2020 une discussion a lieu afin de pérenniser ce groupe de travail en une commission du management durable RHNe qui devrait s’élargir, notamment de représentants du corps médical et dont l’avènement fut quelque peu éclipsé par une certaine pandémie.

[1] Pondération des déterminants de la Santé en Suisse, Groupe de Recherche en Environnement et Santé, Université de Genève, 2010

[2] The environmental footprint of health care: a global assessment. Lancet Planet Health. 2020

Proposition d’organigramme de la commission « management durable » du RHNe

Du côté médical, des médecins cadres du département des urgences entament une réflexion sur ce sujet fin 2019, sans connaître l’existence d’un groupe de travail « management durable » dans l’institution. Un certain nombre d’idées fusent et il nous semble à ce moment-là important d’agréger les bonnes volontés d’où qu’elles viennent tout en informant nos collègues de la criticité de la situation. L’idée d’un cycle de conférence sur le modèle des conférences du jeudi de RHNe émerge et dans l’intervalle nous sommes rejoint par une médecin assistant.e et des collègues de la SNM intéressé.es avec qui nous formeront le groupe des organisateurs des 2 conférences qui auront lieu, COVID oblige, en distanciel et en 2021 :

  1. Environnement et santé : point de situation https://youtu.be/hxkiTxFu2bg
  2. Imaginer un monde durable du point de vue de la santé https://youtu.be/lKPFNLvHV_c

A partir de là le groupe EcoSantéNe se forme et une première séance en date du 19 août dernier, attirant une soixantaine de professionnel.les de la santé,signe le lancement de groupes de travail multiples dont un groupe « hôpital » interprofessionnel et interdisciplinaire dont la première rencontre n’aura pas encore eu lieu au moment de cette publication mais qui sera, nous l’espérons, force de proposition et d’action en appui de la commission du management durable de RHNe.

Une partie du corps médical de RHNe se met donc en branle pour réfléchir aux objectifs définis par EcoSantéNe, à savoir :

  1. Décarbonner le secteur de la santé ;
  2. Mieux soigner (qualité et non quantité) au niveau individuel mais également en appuyant un changement de l’organisation du système de santé ;
  3. Alerter nos patient.es, nos collègues, nos familles et nos politiques sur les risques pour l’espèce humaine du changement climatique et de l’extinction de la biodiversité.

Ce projet va se réaliser en collaboration avec la direction logistique de RHNe qui, de par la nature de son activité, englobe déjà la problématique du développement durable dans ses projets et activités d’exploitation.

La première prise en compte de l’efficacité énergétique sous l’angle de la protection de l’environnement s’est matérialisée il y a plus de 15 ans par l’engagement de RHNe à réduire sa consommation énergétique. Dans un premier temps dans le cadre du programme « Gros consommateur » sous l’égide du Canton de Neuchâtel, puis par un engagement sur une convention d’objectif auprès de l’Agence de l’énergie pour l’économie (AEnEC).

Au fil des ans cette démarche a amené RHNe à améliorer son infrastructure du point de vue énergétique en mettant à jour les installations techniques, en isolant les bâtiments et en menant tous ses projets en intégrant la composante du développement durable. Les projets notables soutenant cette démarche sont :

  • La Chaux-de-Fonds :
    • Démontage des chaudières à vapeur et du groupe chaleur-force, changement des fenêtres
    • Installation d’une production de froid centralisée par free cooling atmosphérique
    • Installation photovoltaïque sur le parking produisant 20% de la consommation électrique du site
  • Neuchâtel
    • Installation de free cooling par sonde lacustre
    • Optimisation de la régulation de production de froid pour le plateau technique
    • Installation de stores sur la façade Nord
  • Val-de-Ruz & Le Locle
    • Mise à jour des équipements techniques (lampes, pompes, régulation)
    • Réfection et isolation des toits
  • RHNe
    • Etude et installation de centrales photovoltaïques sur tous les sites

Au-delà de l’efficacité énergétique, la direction logistique est en charge de processus (achats, restauration, intendance, constructions, services techniques, ingénierie biomédicale) impliquant une grande utilisation de ressources, de transports, de stockage ainsi que de l’élimination des déchets de toute l’institution. La démarche d’amélioration continue mise en place par la direction logistique aura un effet de levier important sur l’empreinte environnementale de RHNe comme le développement durable en est l’un des principes.

Conclusion

La première partie du 6e rapport du GIEC[1] ne laisse plus de place au doute quant à l’origine humaine de la modification du climat et quant à ses conséquences. Comme le dit Bertrand Kiefer[2] dans un de ses éditoriaux récents : « (…)  À la fin, le niveau de preuve obtenu est bien supérieur à celui qui soutient la pratique médicale. Au nom de quoi – de quel irrationnel – peut-on continuer à ignorer cela ? Pour le moment, hormis par quelques touches aux marges, rien ne change. On continue de penser et planifier la médecine et la santé comme si aucune contrainte climatique ni enjeu environnemental n’avait d’importance sur les décisions à prendre. On se raconte un récit, sans vraiment se demander s’il correspond encore à ce que l’on sait. (…) ».

Il est de notre devoir, comme professionnel.les hospitaliers/-ères, de réfléchir et agir pour le bien de nos patient.es et leur descendant.es.

[1] IPPC Climate Change 2021, the physical science basis. Summary for policymakers.

[2] Le bal des éléphants, RMS du 12 mai 2021